Salut toi.

Je te revois en photo comme je me voyais dans le miroir à l'époque et les souvenirs des sensations anciennes remontent immédiatement. Tu en passais, du temps, à te demander ce qui n'allait pas, chez toi, pour que ça soit si compliqué d'exister avec les autres.

Scoop : rien. Ou ni plus ni moins que n'importe qui d'autre. Rien n'allait pas, tu n'avais juste pas trouvé ton mode d'emploi. Depuis tu as développé une sorte de super-capacité à connecter facilement avec les gens, et ça créé des souvenirs mémorables.

Je souris en me souvenant comme tu te détestais. Rends moi ma tête et mon corps d'alors et je soulève le monde du bout de mon petit doigt, fillette ! J'aurais aimé t'apprendre ça tellement plus tôt, ne pas te détester. J'aurais aimé te traiter comme je traite mes enfants (oui, deux, long story short, ils sont incroyaux - Copyright JeK, ta fille adoptive. Oui, tu as des enfants de cœur un peu partout en plus des tiens. T'es une sorte de daronne universelle, maintenant, et tu adores ça).

Je ne me souviens plus si P. est parti au moment de cette photo. Tu t'en remettras mais cette histoire t'accompagne encore. Tu aurais pu te dispenser d'embrasser le plus beau mec de l'assemblée le soir de sa fête d'adieu pour marquer ton point. Il savait. On se parle encore de loin en loin. Tu es la personne qu'il connaît depuis le plus longtemps de son carnet d'adresse, environ. C'est pas rien et tu saurais ce que ça représente pour lui si tu savais à ce moment).

Ce n'était pas P., donc et ça n'a été personne d'autre, comme ça. Tu as aimé très fort et cru encore plus, avec les pères de tes enfants, mais non. Tu n'exclus pas de l'avoir rencontré, mais... tu connais notre chanson par cœur, déjà.

Je ne fais plus la fête sur un mode revanchard et parfois un peu autodestructeur. J'aime toujours une grande partie des livres que tu aimais (d'autres, j'ai un peu honte). J'aime toujours la musique que tu écoutais, je l'ai retrouvée, ces derniers mois. L'art me bouleverse autant que toi. J'aime toujours autant que toi la mer, regarder le ciel, marcher pieds-nus, surtout dans l'herbe.

Sur les trucs un peu rigolos, tu te souviens comme tu rêvais d'avoir les cheveux bouclés ?Rigolons un peu, ils bouclent. C'est juste que la porteuse de cette particularité génétique dans notre ascendance s'en était bien planquée tout une vie et que donc nous n'avons su que tardivement quoi et comment en faire. Mais quand même, tout le monde se plaint de ses seins, de son cul, de ses cheveux, chez les filles. Et bien peu arrivent à réaliser sans aucun trucage un rêve de tout changer. Paf, tu l'as fait.

Ah oui, puisque j'évoque les seins. Merci pour ton truc à virer les connards (et détecter les mecs gay honteux). Oui, il m'arrive toujours de demander à un mec de quelle couleur sont mes yeux. Assez peu sont capables de répondre facilement à cette question. Je suppose que l'âge faisant son effet, il ne sera plus utile aussi longtemps que ça, mais je me marre toujours autant.

Je t'ai pas mal amochée. Il y a des cicatrices et des kilos en plus, la gravité, cette pute, a bien fait son effet. Je suis plus en paix, même s'il reste du boulot, que toi, avec tout ça. Tu verras, quand on sera un tas d'os en décomposition, on trouvera qu'il avait finalement bien des attraits, ce corps en vie ! (Ah oui, sur l'humour, ça tend à empirer).

Oh, les parents vont bien. Ca a tangué fort, pour l'un, pour l'autre, mais ils vont bien, là tout de suite. Tu serais surprise de notre relation avec Maman. Et en même temps tellement pas.

C'est un peu curieux, ces derniers mois. Je t'ai à la fois retrouvée, cette vibration intérieure si centrale, je m'y suis reconnectée complètement, et ça m'a sauvé la peau. Mais j'ai aussi mesuré le chemin parcouru. Merci pour chacun des pas qu'on a faits ensemble.

Alors, de quelle couleur, mes yeux ?