JM, je le connais depuis quoi ? 18 ans, quelque chose comme ça. On a eu un immédiat élan de sympathie l'un pour l'autre. Il faut dire qu'il a des trucs pour attirer la sympathie. C'est probablement l'un de mecs les plus sculpturaux que je connaisse. Quasi deux mètres de haut, pas un pet de gras, beau comme un dieu, aussi noir que je suis blanc phosphorescent, un regard de biche et un sourire radieux, avec la personnalité solaire qui fait que tu lui pardonnes même le coup de ta mâchoire qui s'est effondrée sur tes genoux quand il est entré dans le hall. Dix ans de plus que moi et il a enfin l'air de frôler la quarantaine. Et un vrai gentil, par dessus le marché. Bref, le mec, t'as envie d'être sympa avec lui.

Mais je m'égare. Ca fait donc presque deux décennies qu'on se connaît, qu'on se voyait sur une base mensuelle pour des raisons pro, puis moins. Si les téléphones n'avaient pas tant changé, nous aurions l'un et l'autre une collection de selfies-volontairement-ratés (dont un dans les vestiaires du Stade de France, excusez du peu) pris ensemble, des rires, des préoccupations sur le monde et sa façon de tourner bizarre. Des souvenirs avec des people et des pas people. Des soirées d'été plutôt arrosées.

La dernière fois qu'on s'est vus, c'était en septembre, on s'est tombés dans les bras (enfin il s'est plié en deux et je me suis haussée sur la pointe de mes trop petits pieds), sous le nez d'une dame qu'on ne connaissait pas et qui n'arrivait pas à croire qu'on était pas "ensemble" (entendez : dans une relation de type copulatoire, puisque, ensemble au même endroit, au même moment, nous l'étions). Nous avons fait devant elle le constat que nous n'avions jamais réussi à être célibataires simultanément, toutes ces années. Et que par ailleurs on s'aimait trop pour qu'entre nous, ça soit juste des galipettes mais qu'on était assez fondamentalement incompatibles sur plein de choses donc bon. C'était sans doute mieux ainsi.

Bref, j'ai appelé JM.

On a parlé de nos enfants, de nos boulots. On s'est dit que ça craignait la vie (une copine commune est morte il y a quelques semaines, et puis les européennes, et puis les projets d'autres vies dans d'autres villes qui se mesurent à l'aune d'un probable changement de température dans les endroits visés d'ici quoi ? Rien, une paille.)

On s'est échangé des nouvelles des gens qu'on connaissait en commun. De nous. De nous amours passées, futures, et même, dans son cas, présentes (et bim. Je quitte un mec, il trouve une meuf. Que personne ne vienne me dire que je risque de passer à côté d'un truc à ne pas regarder du mauvais côté, il y a malédiction !)

On a donc parlé de sa nouvelle conquête, il n'est pas sûr, elle est trop jeune, elle veut faire des trucs pour lesquels il a déjà donné - des enfants, par exemple. Comme quoi on peut avoir des incompatibilités et tenter des trucs quand même, rigole-t-il.

On a ri. (Jaune ?)

Il m'a demandé où j'en étais. J'ai répondu que je n'avais pas de nom pour ce lieu mais que globalement, le jour où je tomberais sur le mec qui me fait durablement pétiller ET que ça soit réciproque ET que le type me mette au moins dans un honnête et régulier top 15 de ses priorités n'était pas arrivé.

Il s'était passé deux heures.

On s'est dit à bientôt. Bonne chance. On s'appelle vite, on boit un verre.