Toutes mes excuses, vraiment. Très souvent l'idée d'un titre me vient en même temps qu'une idée générale de son contenu. Et là, j'avais vraiment de façon détaillée en tête ce que je voulais vous raconter, mais rien de rien pour le titre. Jusqu'à ce que me revienne en tête cet improbable tube de mon enfance (tout le monde n'a pas eu la chance de grandir dans les années 80). Bref, les jeunes, n'allez pas écouter, les vieux, désolée. Mais leur titre (littéralement : le titre. Pas la chanson) était vraiment visionnaire pour illustrer mon propos (qui tend à revenir régulièrement aussi auprès des gens que je cotoie au quotidien : vous n'êtes pas seuls à me subir). So be it.

Il y a quelques mois, quelques semaines, je clamais que les mecs, c'est fini, trop d'emmerdes, trop de boulot pour pas grand chose de satisfaisant. Les longues méditations consternées sur une vie d'échecs sentimentaux auxquelles je me suis livrée me donnaient absolument raison.

Histoire de ne pas avoir pensé pour rien, je partage. Je pense qu'on peut distinguer quelques périodes majeures :

17-25 ans, c'est pas parce qu'on est malheureuse qu'on doit être frustrée

C'est pas compliqué, j'étais en permanence ou quasi amoureuse d'un type qui ne m'aimait pas en retour (pas le même sur toute la période). Du coup j'allais de conquêtes à durée très limitée en coups de même pas un soir, avec des types généralement sympas et enthousiastes. Probablement sur un mode un peu revanchard. En écrivant cette phrase, je me dis que ça n'était pas très compliqué et que, par conséquent, je n'étais probablement pas la seule et unique cause de mes désespoirs comme j'en étais persuadée à l'époque. Juste, impossible de trouver un mec avec qui les attirances du cœur et du corps fonctionnaient simultanément. Ne parlons pas d'âme, je crains que seul un pourcentage restreint de la population masculine en possède une.

Bref, l'éducation sentimentale se fait aussi par l'apprentissage du corps et de son fonctionnement, ça, c'était fait.

Next.

25-35 ans, les cases à cocher

Je ne sais plus si je l'ai déjà raconté, j'ai rencontré le père de mon aîné en ligne à une époque où c'était beaucoup, beaucoup moins fréquent que maintenant. Il avait créé un site sur Jeff Buckley que j'avais trouvé bien écrit (jusqu'à découvrir qu'il en avait honteusement pompé tout le contenu, mais il était trop tard).

On s'est envoyé des mails pendant deux ans avant de se rencontrer, je l'ai noyé sous des références musicales et littéraires qu'il faisait semblant d'apprécier (ça aussi, j'ai découvert trop tard). Puis on s'est rencontrés un soir de fête de la musique où il jouait avec son groupe. Ce qui devait arriver arriva (car le groupe était plutôt bon).

Et je suis devenue son instrument à cocher des cases. Ce jeune garçon ne vivait que pour des objectifs à accomplir (finir ses études, trouver un job, gagner une somme minimum, gagner plus que moi, acheter un appartement, faire un enfant, se marier, etc).

On en a coché quelques-unes ensemble mais, pas de bol, j'ai résisté pour d'autres. Je crois que le pire c'est quand j'ai refusé de me marier (je n'ai jamais été très portée sur ce rite patriarcal mais j'aurais pu me laisser faire, sauf que là, juste l'idée de porter son nom, j'ai eu une crise d'angoisse majeure, c'était un signe).

J'ai essayé de le quitter au bout de 9 ans, il m'a rattrapée par les bretelles pour se barrer un an après.

14 ans après, il croit encore être mon maître à penser et, quand il raconte à qui veut l'entendre (sa femme, principalement), des épisodes de notre vie passée, j'ai l'impression qu'il parle de quelqu'un d'autre que moi. Non que j'aie tant changé, c'est juste qu'il a inventé une histoire qui lui permet de justifier son importance dans l'existence et le besoin que j'avais de lui pour survivre, à tous points de vue.

Le mot est lâché : il avait BESOIN d'une femme pour cocher ses cases. A peu près n'importe laquelle aurait fait l'affaire, je suppose.

Interlude et introduction au gaslighting

J'en ai parlé dans un billet précédent, Slip En Kevlar n'avait pas envie d'une relation amoureuse, mais sans doute besoin de jouer un rôle important dans la vie d'une femme. Il vous dirait que c'était son rôle d'ami, et que nos chemins se sont écartés parce que la vie est ainsi faite.

Je répondrais probablement que le fait de m'avoir promenée un an à coup de "il y a un couple mais il n'y pas de couple" et de signaux contradictoires ne plaide pas en faveur d'une saine amitié.

Fin de l'interlude

36-48 ans : porter la vie des autres

Je ne peux pas dire que je n'ai pas été prévenue et j'ai pourtant foncé droit dans le mur avec enthousiasme. Je veux dire : je suis allée au charbon pour le choper, celui-là.

Pendant 8 ans on a vécu en horaires décalés, je me suis dévouée à ce que chaque rare moment partagé soit un moment de qualité. Pendant des années, quand il rentrait du théâtre au milieu de la nuit, je me relevais pour manger avec lui, par exemple. J'y repense avec effroi.

Certes on se voyait assez pour que je prenne conscience de problèmes énormes. Certes, me coller à son rythme, je l'ai fait de mon plein gré. Certes, je savais déjà, au moment du premier confinement, qu'il avait apporté assez peu à notre couple et que j'étais déjà lessivée, émotionnellement. Lui, il avait BESOIN de quelqu'un pour lui dire quoi faire.

Bref, confinement, enfin du temps ensemble. Plutôt pas si mal, au début. Il a commencé à parler de job alimentaire, je lui ai montré qu'un de ses passe-temps était un métier, un vrai. Soutien avant, pendant sa formation. Il trouve un job directement après.

Je reprends espoir. Je me dis que ça va lui donner confiance en lui, envie d'occuper l'espace de sa vie.

Je suis d'une naïveté confondante.

Au moment où moi, j'avais ENVIE de me sentir soutenue et entourée, il a eu BESOIN de rappeler à quel point c'était important pour lui de passer premier (c'est beaucoup plus indirect que ça, mais c'est à ça que ça revient). Et ça touchait à ma mère, imaginez comme je suis quand il s'agit de ma mère. Goutte d'eau. Vase sans fond qui ne cesse de déborder. Je mords. Je lui ai annoncé une première séparation fin décembre 2022. Je me suis ravisée parce que je n'avais aucune énergie disponible pour mener à bien la logistique de la séparation. Fin novembre dernier j'ai finalement passé le cap et depuis il a BESOIN que je lui rappelle constamment que sa vie doit s'écrire ailleurs. Est-ce que j'en ai ENVIE ? Pas du tout. En revanche j'ai BESOIN de récupérer ma vie.

Le futur reste à écrire

Il y a quelques semaines je me sentais volontiers comme dans le billet de NP. Plus de mecs, fini, basta, merci. J'en peux plus de porter un être humain (généralement plus grand que moi) sur mes épaules. Et il n'y a pas que moi, je veux dire, on a pas théorisé le concept de charge mentale uniquement à cause de mon manque de discernement dans la vie amoureuse.

Je ne suis pas là pour remplir les besoins d'un mec, en fait. Quelles que soient ses qualités, par ailleurs. J'ai une vie à mener, ma propre compagnie est assez cool (même si, je l'admets, j'ai une grande facilité à ne pas être d'accord avec moi). J'ai de quoi lire pour une vie, une carte de ciné illimitée, un abonnement premium à Deezer qui ne me coûte presque rien (c'est une coloc). Quelle serait la place d'un mec qui aurait BESOIN que je lui dise combien il est beau, grand et fort, indispensable, que oui, il peut le faire, good boy. Putain. La vie est trop courte pour s'obstiner dans l'erreur.

Différentes personnes ont porté à ma connaissance, chacune à leur façon, le fait que ça n'était pas une fatalité.

Du coup je nuance mon propos.

Si, un jour, il y a un prochain, je veux que le deal soit basé sur l'envie et pas sur le besoin. Je veux un mec qui soit là parce qu'il a envie d'y être. Pas parce qu'il a besoin d'une meuf pour gérer la femme de ménage et la déclaration d'impôts, ou l'intégralité de la logistique des prochaines vacances et que vaguement, j'ai les yeux qui pétillent et un joli sourire.

Je veux qu'il soit là parce que l'envie de le voir se renouvelle sans cesse, pas parce que je me sens investie d'une mission de réhabilitation d'un être humain non fonctionnel. Je n'en fais pas un critère absolu mais l'usage magistral du point virgule peut être un sérieux argument.

Et c'est dingue, parce qu'il y a plein (PLEIN) de mecs qui, pour se définir, pensent que les femmes doivent avoir besoin d'eux, de leur fric ou de leur force herculéenne pour ouvrir les bocaux.

Alors que je trouve ça tellement plus puissant d'aimer quelqu'un par envie, plutôt que par nécessité d'un rôle à remplir.