Or donc on parle beaucoup, en général, avec Cro-Mignon. Mais cette semaine, oh mazette, cette semaine, on se retrouve ensemble, au calme, nous deux. Et donc on parle encore plus. On vit paisiblement ensemble à des rythmes différents mais qui fonctionnent. On est ok sur l'essentiel. On se respecte beaucoup et on s'aime encore plus.
L'autre jour, je lui signe son chèque pour le voyage scolaire en Irlande, il me regarde de son meilleur air pince sans rire avant de me dire qu'il fallait que je trouve un vieux riche pour soutenir mon train de vie. Enfin plutôt le sien. "Un vieux riche ! Ignorant ! Les vieux riches, ça aime les femmes trophées, mon grand. Moi, je penche plutôt du côté des femmes-concept, tu vois, des paris audacieux", lui ai-je répondu de mon plus bel air indigné.
Il n'en reste pas moins que Cro-Mi trouve que nous, les vieux[1], on se débrouille comme des quiches.
Il faut dire que depuis le début de sa vie sentimentale, je ne l'ai vu qu'avec des licornes à paillettes dans son genre, dans des relations, je cite, polyamoureuses ouvertes. Difficile de se sentir autre chose que vieux et coincé en comparaison, même pour moi. Ceci dit le jour où il me fait un mariage tradi en robe meringue, vous me trouverez à l'arrière de la grange en train de hurler de rire. Ou dans la grange en train de ... non, rien, je m'égare.
Sa position est la suivante : pour supporter un mec cis hétéro, il faut en partager la charge mentale (et là, on pourrait dire qu'il y a du vrai, un peu, quand même). Et que nous, en bonne génération suivant celle de la libération sexuelle, on s'empresse d'aller reproduire la famille tradi. Un peu plus d'unions libres. Plus de familles recomposées par choix que par le veuvage. Mais quand même : on fait peser notre bien-être amoureux sur une seule personne du début à la fin (oui enfin, bon, pour moi, un peu plus). Et que sous nos grands airs d'enfants délurés des années 70 à qui on ne la fait pas, ben... on fait comme papy et mamy. Sans se demander si le fondement moral du couple à deux pour la vie était vraiment si une preuve d'amour, ou de longévité, ni le fait que c'était tenable. D'ailleurs, y a qu'à voir : ça ne tient pas souvent, pas beaucoup. Là, dans ma tête, a popé l'idée absurde suivante : mais du coup la fidélité, c'est comme l'interdiction de manger du jambon, c'est pour éviter des dérives sanitaires et la consanguinité à grande échelle ? Et on a mis un label de vertu dessus pour faire adopter le truc ? Oui vous avez le droit de rire.
"Oui, mais si on s'aime, on a une forme d'exclusion des autres parce qu'on a pas de place pour eux, non ?" ai-je tenté. Je sens que vous avez, à l'avance, pitié de ce qui allait s'abattre sur moi et vous êtes encore en dessous de la réalité.
Ah, donc, s'emballe-t-il, on ne peut pas aimer plusieurs personnes à la fois ? Quand tu nous dis que tu nous aimes, Lomalarchovitch et moi, c'est un mensonge ? Ou les deux chats ? (mais c'est pas pareiiiiiil, non ?)
Bon, bref, dix minutes de plaidoirie appuyée pour dire que c'était exactement pareil sauf que la norme sociale dit qu'on aime tous ses enfants pareil mais qu'en revanche, un seul adulte à la fois.
Vous me connaissez, je ne suis pas la dernière à contester la norme. Et bon, je le vois, ce môme, gérer sa vie amoureuse folklorique avec une maturité que je n'avais pas à son âge (et peut-être toujours pas maintenant, pour être honnête). Je me dis que je suis vieille, que je ne comprends plus le monde et que tout ça n'est pas bien grave. Quand mon aîné me lâche sous forme de drop mic final : "bon, toi t'es pas terriblement éligible au trouple, vu que tu refuses d'être une bonne lesbienne convenable[2], mais comme que tu ne portes pas de rouge à lèvres et que tu ne mets que des parfums de mec, ça fait de toi une maîtresse indétectable".[3]
Mon fils.
A qui je pensais avoir transmis une image un peu digne de la fonction maternelle, vous voyez ?
(Outre le fait que j'ai beaucoup ri, j'ai le vague sentiment d'avoir élevé un monstre. Ou un être d'une sagesse supérieure.)
Mais un ménage à 3 n'est pas nécessairement un trouble ! Et partager don cœur ne veut pas dire partager son lit ;-)
(copié de Mastodon)
Une fois à la fac, ils nous avaient été dit que le concept de virginité au mariage avait été inventé en même temps que la propriété pour être sûr de translmettre ses biens à son gamin et pas à celui d'un autre
Arbrav un trouPle, pas un trouble ! Et si tu veux vraiment que je transcrive l'intégralité de nos conversations, il va te falloir du temps libre :)
Qu’est-ce que je l’aime ce papier… j’ai l’impression d’avoir battu le bitume pendant des années pour que des jeunes puissent vivre leur vie amoureuse comme ils veulent… ça fait tellement de bien…
Et pour ce qui est du monde, sur certains sujets comme celui-là, je crois qu’il ne faut pas essayer de le comprendre, juste de l’accepter tel qu’il est.
Bise à vous 2
Orpheus c'est exactement ce que je disais à Matoo cet après-midi ! Héhé toi en plus tu vas avoir les bonus demain ❤️
Moi je ne vois rien à rejeter dans le point de vue de ton Cro-Mi. (Je me permets de reprendre cette appellation.) Il me semble que c’est basé sur de la volonté et du consentement éclairé et c’est tout ce que j’attends.
Juste un bémol : même chez les homos, pour supporter un mec cis, il faudrait en partager la charge mentale. Même chez les homos.
TarValanion à jeter, non, mais il y a des trucs pour lequel le monde n'est pas prêt. Je ne suis pas sûre de combien de femmes de ma connaissance seraient ok pour que leur mec vive une histoire d'amour parallèle à la leur, sans avoir l'impression d'y perdre quelque chose. Par exemple.
Mandieu mandieu moi qui pensait que vous étiez une version aboutie. Pfiou. Quelle tragédie, mazette !
Si tu veux mon avis (et tu ne peux pas dire non tant que je tape sur mon clavier, hé hé) penser que les relations amoureuses devraient avoir un seul modèle et aller à tout le monde est illusoire. Perso je suis très heureuse en couple monogame, je ne doute pas que d'autres trouvent leur compte dans des histoires différentes - du moment que tout les gens impliqués sont majeur⋅e et consentant⋅e, tester des trucs, voir ce qui NOUS va, c'est quand même la meilleure des recettes.
Anna oui, plus je vieillis plus je me dis ça, aussi. Du coup tu as bien fait de taper sur ton clavier.