L’autre jour, j’ai failli dire à l’homme que j’aime de loin, celui que je regarde tendrement être heureux avec une autre que moi, « je t’aime ».

Je me suis fait rire toute seule. A quoi riment des heures, jours, semaines, mois à sortir du fonctionnement attentes / déceptions, espoirs / raison, battements de cœur / pleurs devant la cruauté de la vie, à quoi sert de se forger une philosophie du « ce qui existe est beau et se suffit » ? Quelle utilité à rester de marbre à ce qui a pu, peut-être, on ne sait pas vraiment, être une ébauche de début de quelques gestes furtifs, ou alors de choses que j’ai inventées ? (Alors que, putain, j’avais envie, que plus personne ne me laisse dire que je n’ai aucun poker face. Moi ? Je ne le touche pas, j'ai peur de ne pas savoir m'arrêter.)

Parce qu’en dehors du caractère évident de sa non-disponibilité, à ce type, et du besoin vital que j’avais ces derniers temps à me retrouver face à mon regard et pas celui d’un autre, je n'aurais pas eu l'intention de me satisfaire de miettes, dans l’hypothèse non complètement vérifiée à ce jour d’une certaine réciprocité de l'attraction. Rien de moins que des tranches !

(En plus c’est lui qui a commencé, rien de tout ça n’est de ma faute, votre honneur.)

Donc voilà, si c’était une histoire évidente, alors je n’aurais eu aucune raison de me lamenterroger sur le sens de tout ça ; comme ça ne l’est pas, évident, je me fabrique une place avec exactement ce que j’ai envie d’y mettre, trop, pas assez, à côté de la plaque, je m’en fous, il prend ce qu’il veut et je lui vole de loin en loin quelques heures assez sages et très rieuses. Jusqu'à présent il se laisse faire. 

Tout ça pour lui lâcher un « je t’aime » à l’unique prétexte qu’il a dit un truc qui m’a fait un bien fou et qui n’avait qu’un rapport indirect à ce qui nous lie ? Même pas la queue (huhu) d’un désir dans cet instant-là, juste le soulagement de savoir que quelqu’un, quelque part sur cette planète a la capacité de penser et dire quelque chose d’aussi inattendu que bienfaisant. Comme quoi on peut finir par trouver une sorte d'alter ego aussi barré que soi et ne pas pouvoir ou vouloir tout lui dire. Parce que ce qui compte c'est de l'avoir trouvé ? C'est ce que je me dis en ce moment, en tout cas.

Imagine l’embrouille, ma vieille, me suis-je dit en retenant mes doigts sur le clavier et en lui souriant tendrement entre des larmes qu’il n’avait pas provoquées. Tant pis pour lui, il n’aura pas, non plus, reçu la tendresse de ce sourire.

Et pourquoi ne lui as-tu pas dit, après tout, banane ? Parce que je n'ai pas envie qu'il aille s'imaginer qu'il me fait du mal. C'est tout l'inverse. Parce que quand on aime les gens on a envie de leur bonheur. Et si, cachée dans ses interstices, je me réjouis du sien, ce n’est pas pour aller semer la zizanie ni dans sa tête, ni dans sa vie. 

Bon, en même temps, il lui arrive d’être légèrement à l’ouest (carrément, oui), il serait capable de ne pas se rendre compte que c’est à lui que je parle (oui je me moque, parfaitement. Enfin pas tant que ça, il est vraiment parfois à l’ouest et ça me fait beaucoup rire, d’un rire qu’il n’entendra pas).