Je dis souvent que je ne sais pas différencier un type qui me drague d'un hippopotame.
Confession : c'est faux.
Bon, ça me fait un peu rire (et puis on a tous une zone d'aveuglement pour ce qui nous touche de près). C'est surtout une barrière anti enfoirés assez efficace.
Je crois que le premier dont j'ai gardé le souvenir, j'étais étudiante, j'avais gagné une place dans le jury d'un festival de court-métrage organisé par une école d'ingé locale, le tout sous la présidence de Claude Brasseur (et non, c'était pas lui l'enfoiré). A mes côtés un type sympa, qui bossait dans un magazine dédié aux courts-métrages. Le feeling passe, je lui file une partie de ma dotation en VHS pour cause de doublons. Pendant quelques semaines on se faxe[1] et on se cherchouille un peu. On finit par déjeuner ensemble, ça se passe très bien et le mec m'embrasse comme dans les films pour me dire au revoir. Deux jours après je reçois une lettre [2] pour me dire qu'il a une fiancée dans son bled, qu'il est très amoureux d'elle, que tout ceci est une erreur et que désolé.
J'ai souvenir d'avoir répondu un peu vertement, qu'il m'avait re répondu en arrivant à la conclusion que tout était de ma faute, en gros j'étais posée là, absolument irrésistible et j'avais qu'à pas me faire des idées. Niveau d'enfoirage monumental.
On peut parler, bien plus tard, de celui qui pendant un an a passé la quasi intégralité de ses week-ends à me tenir la main, à regarder des films allongé sur mon lit, moi dans ses bras, lui, bien installé dans son slip en kevlar. Avec celui-là j'ai tenté la pédagogie (quelle conne je suis) et là il a pris l'air étonné de celui qui ne se rend pas trop compte qu'il fait du mal au passage. Fun fact, je n'ai plus aucune nouvelle de ce si bon ami si proche, il a disparu de ma vie du jour au lendemain quand j'ai rencontré le coloc. Ca doit encore être de ma faute, tiens.
Ou de celui qui m'invite à dîner et m'envoie le lendemain une ode même pas bien écrite en hommage à une particularité anatomique qui ne laisse aucun doute sur le fait que ce n'est pas le vert de mes yeux, qu'il a regardé, toute la soirée, non non non.
Ou de tous ceux qui voulaient juste savoir si leur capacité à séduire est encore fonctionnelle. Ou de ceux qui s'arrangent avec leur conscience. Ou de ceux qui sont juste lourds. Ou de ceux qui savent que tu n'es pas dispo mais tentent leur chance. Ou ceux qui ne savent pas et que tu aimes bien et que tu ne veux pas rabrouer trop vivement. Ou de tous ceux qui au moment d'assumer leur connerie t'expliquent sentencieusement que tu as mal compris leurs intentions.
Honnêtement, ça vient très vite dans une vie de meuf, l'envie de ne plus jamais entendre qu'on s'est mal compris. Ou que oui mais non. Et ta main sur mon cul et ta langue dans ma bouche, c'était un malentendu ?
Je ne suis pas un putain de malentendu et je comprends, en général, assez bien. Je suis un être humain, doté de pensées, de sentiments, je ne suis pas le reflet de vos égos en mal d'admiration, bordel. Il y a trente mille façons d'avoir une chouette relation saine et simple, et toutes commencent par : le respect de l'autre.
Bref, le mec qui cherche mais qui n'assume pas de trouver est une espèce répandue[3] et la stratégie du "je ne vois rien" en vaut bien une autre pour tenir à distance les tentatives.
Et puis une fois j'ai baissé ma garde, en partie. Parce que le type n'était pas un enfoiré, ou en tout cas qu'il n'en a pas l'air[4]. Parce que je ne sais pas ce qu'il a fait ou s'il l'a fait exprès, mais ce qu'il a fait, ça a marché. Ca serait même assez exactement ce que j'aimerais qu'on me fasse pour gagner mon petit cœur palpitant. Je suis restée un moment dans une posture de total déni, comme si, de fait, je n'avais pas bien compris. Arf. Ca laisse des traces.
Sauf que : il y a un stade où ça devient compliqué de prétendre avoir mal compris. Même avec un bon entraînement. Or, je suis interdite. Pour lui, hein, pour moi je fais bien ce que je veux, j'ai assez de mes responsabilités pour ne pas gérer celles des autres.
Pas d'idée de qui je suis dans sa tête. Une rencontre totalement imprévue ? Un interstice ? Un numéro sur une liste ? Un divertissement qui durera ce que ça durera ? Le seul truc évident c'est que si les choses étaient aussi compréhensibles que ça, je ne me serais pas trouvée assise sur une montagne de questions, de tentations, d'envies, de red flags, de moments de raison, de moments de pas de raison du tout. Un pied de chaque côté de la limite.
Et pourtant, vu la distribution des cartes, aucune chance de terminer autrement que mon cœur en mille morceaux, écrasés par une pile de parpaings. (Le tag "tu n'as pas compris" sur les parpaings est en option payante).
Et puis moi, j'en ai marre. De devoir womansplainer que, tout délicieux que ça soit, j'existe autrement que comme miroir d'une (vague ?) envie plus ou moins passagère (?) ? Que je ne suis pas faite de bois ? M'entendre dire une fois de plus que j'ai "mal compris" ?[5] Devoir pointer du doigt les incohérences entre discours officiel et réalité ?
On a toujours du pouvoir, dans une relation. Par exemple, il est toujours possible d'en sortir. Disparaître. Ne plus participer.
Et perdre tout ce qui est chouette. Etre sûr(e) de ne pas revenir en arrière (parce qu'on ne serait pas là si ça n'était pas délicieux).
La seule autre option c'est de regarder le mur et de savoir que quitte à le prendre, autant y aller à fond. Mais que ça en vaille la peine, au moins, merde.
Devine quoi ?
?
Notes
[1] Oui, ça fait longtemps.
[2] Putain de sort, on s'écrivait ! Enfin si c'est pour écrire de la merde pareille, ça ne valait pas la peine, non plus
[3] Amis lecteurs masculins qui ne vous sentez pas concernés, une boîte de cookies est à votre disposition à la sortie.
[4] Comme s'il fallait être un enfoiré pour se conduire comme un enfoiré, hein ?
[5] Sérieux, le prochain qui ose, je lui arrache la tête.
Bonjour, je n’ai certainement pas droit aux cookies ! (même si avec l’âge, je m’en rapproche fort).
Il y aurait un billet à faire du point de vue d’en face - trop perché pour mon niveau.
Il y a aussi une question de culture, d’espace-temps. Une ancienne collègue, partie travailler au Canada (ça fait au moins 20 ans) - une forte femme - disait un peu de nostalgie pour Paris où « tu es regardée comme une femme ». Après, malgré ma brève expérience de don Juan en atelier théâtre (pub gratuite pour Souad Amidou !) on arrive vite à ma zone d’incompétence.
FrédéricLN il y aurait un billet à faire du point de vue d'en face ? J'en sais rien. Que chacun(e) fasse ce qu'il ou elle veut.
Ici, c'est ni un débat, ni un cours de sociologie. C'est ma vie, ma colère et j'avoue avoir assez moyennement envie qu'on me dise qu'elle n'est qu'à moitié valable parce que la partie d'en face pense que...
Dans ma tête, ça s'appelle de l'enfoirage affectif. Je suis d'accord avec toi, on s'en fout si dans leur tête c'est différent de ce qui se passe dans la nôtre, s'ils s'y intéressaient un peu (genre S'ILS POSAIENT LA QUESTION) ils sauraient. Sauf que ces gars-là, ils ont la science infuse...
Par contre, je pense qu'on peut être un enfoiré affectif, se faire remettre les pendules à l'heure, et être un poil (de bite) moins con la fois d'après.
Moi je profite de ça :-)
fredoche"Sauf que ces gars-là, ils ont la science infuse..."
Ou ils sont trop occupés à se raconter une jolie histoire avec un rôle de gentil garçon pour voir qu'ils ont un peu dérapé.
Bref. Je suis légèrement en pétard, ça ira mieux.
Au début de la vingtaine (22-25 ans en gros) j'ai vécu toute une série de situations similaires.
Je ne pense pas exagérer quand je dis que cela m'a traumatisé, les relations de séduction n'ont jamais été mon fort, ça m'en a complètement dégoûtée.
Je n'ai jamais pu comprendre comment on (un enfoiré donc) pouvait passer parfois des semaines à flirter ou draguer quelqu'un qui a priori n'était pas spécialement intéressée, juste pour voir si on pouvait obtenir son intérêt et lui faire comprendre que ce n'était qu'un jeu une fois qu'ils l'avaient "gagné" (généralement en lui faisant comprendre au passage qu'elle n'est qu'une idiote qui s'est laissée manipuler).
Jouer avec les sentiments des autres pour flatter son ego c'est un haut degré de connardise selon moi (et je leur souhaite à tous des abcès de la marge anale).
Force et sonorité, L'intern(é)e.
Je ne vais pas te répéter par écrit ce que je t’ai déjà dit de vive voix…
Juste j’ai envie d’ajouter qu’il y a des mecs qui méritent un peu d’être juste utilisé pour se faire plaisir avant d’être remercié ou ghosté… et pi c’est tout…
Pourquoi ce serait toujours les même qui trinqueraient d’abord, hein !
;-)
Ne me tente pas, Orpheus!
Mouais, perso je ne serais même pas tentée de m'en servir, c'est dangereux ; le genre "gaslight" (à mon avis c'est totalement comme ça qu'on peut qualifier ces manipulations merdiques) peut très bien aussi retirer son préservatif sans te le dire, parce qu'il aurait "cru que".
Perso j'aime tellement la clarté que les comportements de ce type (déjà vécus, of course) pourraient me rendre vraiment violente physiquement. C'est là que je pense au début de la série She-Hulk, où Jennifer explique à son cousin qu'étant une femme dans cette société, elle sait déjà très bien maîtriser sa colère, merci.
Anna mon grand n'a rapporté d'Irlande un pins qui dit "I Will not calm down and you can f... off". Ça irait bien sur ses costumes !
L'épisode dont je te parle s’intitule "a normal amount of rage" - ça ferait pas mal sur un pins aussi. :-)
(Et j'ai aussi un flashback de Sex Education où O dit à quelqu'un⋅e que si on ne sait pas où on en est malgré des demandes d'éclaircissements et qu'on se sent mal, ce n'est pas une bonne relation, period.)
Ah mais si la vie était aussi simple que "bien" ou "mal", Anna. Parfois y a des nuances, plein.
Bien sûr, qu'il y a des nuances ! J'aime quand même bien les règles claires comme outil pour prendre du recul, pour éviter de me laisser entraîner, petit pas après petit pas, à accepter des choses que le respect de moi-même m'aurait fait refuser si on me les avait proposées d'entrée de jeu. (mais clairement, je parle pour moi.)
Trop de gens différents avec des situations très différentes dans le billet pour faire une réponse qui englobe tout, Anna 😁
Avec quand même un point commun qui commence par “peigne” et finit par “cul”, IMNSHO. (J'arrête, j'arrête !)
Anna si j'étais un enfoiré j'aimerais pas que tu me rugisses dessus telle une lionne en colère comme ça ! 🦁
Faut pas faire chier mes copines. 🐺
« qu'on me dise qu'elle n'est qu'à moitié valable parce que la partie d'en face pense que... » -> infiniment loin de moi cette idée ! au contraire je trouvais ce billet tellement valable qu’il m’interpellait dans ma peau d’homme, ou dans les fripés souvenirs de ce qu’elle a pu être. !
Tu as droit à une double ration de cookies, alors, FrédéricLN. On est pour les mecs qui utilisent leur cerveau, dans ce couvent !
« Comme s'il fallait être un enfoiré pour se conduire comme un enfoiré, hein ? »
Ah ça, il y a des mecs à qui il faudrait le répéter plusieurs fois jusqu’à ce qu’ils impriment 😅
Luce en parlant lentement ET en articulant très nettement, oui !