Parmi un certain nombre de caractéristiques invisibles, à la loterie du corps, j'ai gagné cinq sens au taquet. Je peux être épuisée par des bruits que d'autres ne remarquent même pas, je suis éblouie une grande partie de l'année. J'ai l'odorat d'un labrador[1]. J'ai le goût bien présent, aussi, et je me maudis quand je me crame les papilles à coup de thé trop chaud, ça me dure la journée, je déteste ça.

Et le toucher.

Quand il s'agit de choisir ses fringues, ça reste gérable. Mais quand il s'agit de se frotter à un autre humain, c'est plus compliqué. Est-ce qu'on peu ne pas donner suite parce que le type a les mains moites et que ça nous hérisse le poil ? Que, quel que soit l'endroit où il pose sa main, il provoque une très désagréable chatouille, une réaction du corps qui se défend ?

Je ne l'ai pas fait. J'ai trouvé ça absurde, comme raison. Je me suis dit que ça allait s'arranger, qu'on allait s'apprendre.

(J'avais tort.)

A l'inverse, il y en a qui vous électrisent - en bien. Même quand ça prend par surprise, même quand on ne sait pas bien quoi faire de ça, même quand ça n'est ni le lieu, ni le moment, voire, pas l'histoire. Ces gens sous la main de qui on pourrait rester infiniment. Ces personnes qui, quand elles vous libèrent de leur paumes, de leurs doigts, de leur étreinte, vous laissent orpheline de quelque chose que vous ne saviez pas avoir.

Bref.

Soyez heureux, si votre système nerveux vous laisse un peu plus au calme. Vous y gagnerez en sérénité.

Note

[1] Enceinte, c'était l'enfer, toutes fenêtres fermées, je sentais l'odeur de clope des gens qui fumaient deux ou trois voitures plus loin que la mienne, ou le type vraiment pas lavé plusieurs rayons d'hypermarché plus loin.