Ce matin, je pensais à un billet dont le titre est affiché juste au-dessus de cette ligne. J'ai passé tant de temps en réunion qu'il commençait à s'écrire un peu dans un coin de ma tête. Il devait démarrer comme ça, plus ou moins : "Personne ne vit comme dans une comédie romantique. C'est épuisant, ça nécessite une liberté de mouvement dingue, des fonds illimités, et puis aucune personne raisonnable ne traverse une ville pour vous attendre en bas de votre bureau et vous enlever à la fin d'une journée de travail".

A l'issue du marathon de réunions, je me dis que j'ai le temps de griffonner quelques minutes avant de rentrer quand, soudainement, mon téléphone me notifie.

Je suis au pied de ton bureau dans un quart d'heure. Je t'enlève ?

Le message émane d'un très (très) (très très) beau garçon. Il a encore 19 ans pour quelques jours : quand je vous dis que je suis scandaleuse. On s'est reconnus dès qu'on s'est rencontrés et c'est la première fois qu'on s'autorise un moment autrement qu'au-dessus de l'étal de clémentines. Car oui, c'est mon très jeune marchand de fruits, qui est également gay comme on ne peut l'être plus. Fin du scandale.[1]

Il y a quelque temps il a fait une grosse dépression et j'ai été une des mains tendues pour le garder à la surface. Ce soir, avec la sagesse sphynxesque de certains mômes dont on ne sait jamais s'ils ont 10 ou 1 000 ans, c'était plutôt son tour.

Bref, tout ça pour dire qu'à part G., personne ne déboule pour vous faire une (espérons bonne) surprise, ne vous course à travers plusieurs continents ou époques afin de vous faire part de son plaisir à vous voir. C'est un peu dommage (mais j'ai une conception probablement beaucoup trop romanesque de la vie).

D'ailleurs ce qui nous fait haleter dans le sprint final qui va immanquablement réunir les héros ne passerait pas au radar moral de nos quotidiens. J'ai un souvenir d'un film[2] avec John Cusak (qui pourrait bien avoir envie de soupirer sur ce mec, sérieux ?) qui se termine par deux ruptures pour que les amoureux séparés par l'infortune et rassemblés par la sérendipité puissent enfin passer à l'acte. A qui, récemment, dans votre vie, avez-vous dit "mais oui, largue ton mec à l'autre bout du pays" ou "fais selon ton cœur, plante ta fiancée le du mariage" ?

Et puis qui prend le risque de perdre de son précieux temps au risque de ne pas trouver l'autre là où on l'attend ? De repartir bredouille, sous un crachin déprimant, le cœur en berne ?

Le baiser - Brancusi

Ça m'est arrivé quelques fois, malheureusement pas avec un gros succès. Ça ne serait pas tenable sur un rythme frénétique. Ne serait-ce que parce qu'on ne veut pas que de la mise en scène, on veut de l'amour, du vrai. Et que le panache tend peut-être, avec la répétition, à masquer cette sincérité.

Mais quand même.

La gueule que ça aurait. Prenez exemple sur G.

Notes

[1] Pour être parfaitement honnête il avait été question de se voir ce soir, mais sans rien de défini, et je pensais que le gamin serait sans doute plus amusé à l'idée de retrouver d'autres créatures de son âge. Comme quoi. Faut laisser aux gens la possibilité de nous surprendre en bien, vraiment ?

[2] Saviez-vous que Richard "Love actually" et "Notting Hill" Curtis est également l'auteur d'un de mes épisodes préférés de Doctor Who, "Vincent et le docteur" ?

Ce billet est accessible à l’adresse suivante :
https://couvent.sacripanne.net/post/2024/05/14/La-vie-n-est-pas-une-com%C3%A9die-romantique