J'ai perdu la moitié de ma famille avant 25 ans.
Même si j'ai été épargnée d'autres formes de drames, ça fait beaucoup d'absents permanents et très aimés aux tables de fêtes. Le temps fait à l'affaire, mais pas tout.
Chacun de mes parents nous a causé au moins une terreur majeure.
Je suis passée assez près du grand dérapage à chacun de mes accouchements, assez pour soudainement ne pas être certaine du tout de pouvoir élever l'enfant en train de naître.
Bref, ça fait un moment que je sais que la vie, c'est maintenant. Pas un pari pour l'avenir.
Une fois ceci dit, quoi ? Rien. Je vie une vie assez ennuyeuse, probablement, dans ma banlieue. Je vis par procuration de grandes aventures par livres ou films interposés. Aucune grande œuvre en cours.
La seule chose que ça me fait faire de très concret et très quotidien, c'est d'essayer de dire ce que je pense de bien aux gens dont je pense du bien. Que ça soit blaguer avec les serveurs et serveuses chouettes des restaurant ou la femme de ménage en arrivant au bureau, parce qu'il n'y a pas de raison que leur boulot ne soit pas remercié. Converser avec mes voisins de train, de ciné, parfois, parce qu'une circonstance s'y prête. Dire à mes enfants les personnes formidables qu'elles sont, à mes amis leurs plus belles qualités. Des connexions d'humains, pour dix secondes ou la vie entière.
Parfois c'est mal pris, mal compris.
Parfois je me prends un rejet massif à la tronche.
Parfois je suis à côté de la plaque..
Parfois je brave toutes mes pudeurs et vulnérabilités pour dire un truc qui me semble important et le silence me répond (Pudeur en face ? Pas d'intérêt ? Numéro très lointain sur une liste de priorités prioritaires ? Dédain ? Trou de l'oubli ? Nul ne saura, la plupart du temps.)
Et, oui, ça peut faire mal. Ca créé parfois des relations asymétriques. Des douleurs côté cœur.
Mais ça n'est pas ça le plus important.
Ce qui compte, pour moi, c'est d'avoir offert un reflet à la personne en face qui lui dit du bien d'elle, pour le plaisir. Tant mieux si ça produit l'effet escompté. Tant mieux si ça produit un cercle vertueux. Même si la plupart du temps je n'ai pas d'attentes particulière en retour, vous voir être là, les un(e)s, les autres, cette dernière année et demi, a été plus que précieux. Et depuis bien avant, d'ailleurs.
J'essaie aussi de prendre la joie qui passe comme elle vient. De ne pas me laisser dévorer par les questions que ça me pose. Avec une remarquable absence de succès. Je ne suis pas sûre d'avoir assez d'une vie, quelle que soit sa longueur, pour y arriver, à prendre le bon sans me faire malmener au passage.. Mais saisir les choses qui font du bien, voilà autre chose que je ne saurais faire autrement, même en en connaissant le prix.
« Ca créé parfois des relations asymétriques. », c'est un peu l'exception quand c'est symétrique je trouve, mais c'est pas grave parce que l'asymétrie change de sens et d'envergure, donc tout va bien \o/
Tavu j'suis trop un grand philosopheur :-)
Des bises !
Franck sauf quand ça finit par faire mal. Mais oui, viens, prenons un café et philosophons. Bises
Dire ' Bon jour ! ' en arrivant dans une salle d'attente : un grand moment :)
« La seule chose que ça me fait faire de très concret et très quotidien, c'est d'essayer de dire ce que je pense de bien aux gens dont je pense du bien.» > c’est tout con, mais pourtant assez rare bizarrement. Ne perds jamais cette précieuse qualité…
Si ton blog commencé il y a plus ou moins 20 ans (j'ai cherché mais je n'ai pas retrouvé la date exacte) n'est pas une grande œuvre... qu'est-ce ?
"essayer de dire ce que je pense de bien aux gens dont je pense du bien", c'est déjà énorme comme but dans la vie et ça fait tellement de bien aux gens. Dommage pour ceux qui ne prennent pas ça comme un cadeau mais on est si peu habitué.
Nina oui. Et ça ne devrait tellement pas être anormal.
Orpheus j'essaie. Ça tangue en ce moment mais je m'accroche à ça.
NP le tout premier en 2003 ! Merci.