« Si j'avais un fils à marier, je lui dirais : "Méfie-toi de la jeune fille qui n'aime ni le vin, ni la truffe, ni le fromage, ni la musique." »

C'est ma très chère Colette qui écrivait ceci dans "Paysages et portraits". Pour celles et ceux qui ne le sauraient pas, non seulement j'adore Colette en tant qu'autrice, mais il se trouve qu'en plus ma famille paternelle et elle avons de nombreuses choses et lieux en commun. C'est donc une sorte d'arrière arrière grand-mère additionnelle pour moi et ses paroles sont souvent d'évangile, enfin le seraient si j'avais en moi la moindre forme de culture catholique.

Me voici donc dotée, selon ses critères, de quatre qualités essentielles. J'en ai d'autres mais on ne va pas en faire étalage aujourd'hui, il me semble que ça serait immodeste[1].

Le truc, c'est que le mariage, moi, bof.

Un peu par manque de goût pour tout ce qui implique de se plier à une convention au signal donné. Je ne juge personne, hein, mais je trouve que globalement, on mélange sacrement et gestion de patrimoine, occasion de célébrer l'amour et rituels attendus par la société. Et que tous les petits codes attendus par de trop nombreuses personnes, ça me gonfle.

Il y a une grosse dimension féministe, aussi. La première fois que je me suis séparée d'un compagnon de longue durée, j'ai passé des dizaines d'heures à réfléchir à une idée créative pour ne pas tout perdre au passage (et j'ai réussi). A partir de ce moment, j'avais décidé, avec la chance d'avoir éducation, job, etc, qui me mettent dans les bonnes conditions pour ça, de ne plus jamais dépendre économiquement de qui que ce soit. L'idée est de pouvoir, à tout moment, savoir qu'on peut assurer un toit et de la bouffe à ses enfants et soi devrait être au cœur de l'éducation des enfants, des filles en particulier. Si la société ne les y aide pas (les pensions alimentaires sont déductibles des impôts de ceux qui les payent, en majorité des hommes, et imposables pour celles qui les reçoivent, en majorité des femmes, par exemple), ça reste une condition souvent vitale pour sortir confortablement d'un couple qui ne fonctionne plus. Même si ça écarte quelques possibilités de prises de risques professionnels et maintient dans une forme d'inégalité professionnelle, la survie, c'est quand même la base.

Et encore : je vous parle d'un endroit super confortable. J'ai décidé que la relation que nous avions était plus toxique pour moi que sa continuation, même en envisageant plein de leviers pour l'améliorer. Parlons de femmes battues, par exemple, qui ne peuvent pas quitter le domicile en raison de contraintes économiques. Voilà. Et vu comme ça me demande un peu de souplesse et de sacrifices pour faire entrer le budget mère célibataire dans mon salaire, pas mirobolant mais nettement au-dessus du salaire médian, je compatis énormément. Mettre sa vie ou celles de ses enfants dans ce genre de balance... je ne le souhaite à personne.

Il est d'ailleurs possible que je fasse preuve d'un tout petit peu de psychorigidité à ce sujet. Autant je n'ai eu aucun problème à être le "gros" salaire de la maison et à tenir la destinée économique de ma famille sur mes épaules, autant j'ai un mal de chien à accepter que quelqu'un puisse avoir envie de payer quelque chose pour moi. Je me rends bien compte que c'est un truc sur lequel je pourrais lâcher un peu prise, d'ailleurs y a quelqu'un qui s'en occupe de fort plaisante manière ces derniers temps, mais voilà. C'est pas ma zone de confort, comme on dit partout en ce moment.

Ca a un bon côté quand même, s'il y a un prochain amoureux dans ma vie, il pourra assez vite se rendre compte que c'est pas pour son fric que je l'ai à la bonne. C'est toujours ça de pris.

Il y a une part symbolique dans mon manque d'envie, aussi. J'ai grandi avec le nom de mon père, c'est mon identité, tout patriarcale qu'elle soit. Je sais bien qu'on est pas obligé(e) de porter le nom de son épouse ou de son époux (oui, ça marche dans les deux sens, demandez à Franck).

Enfin voilà, pour des tas de raisons plus ou moins rationnelles, ça n'a jamais fait partie des mes fantasmes amoureux, le mariage.

Je ne dis pas que c'est gravé dans le marbre, hein, surtout l'âge arrivant, on pense forcément de plus en plus à ce qui pourrait mal tourner (comme : la vie, par exemple). Ca devient pragmatique et administratif, et sans doute que c'est ça que je préfère, même si je ne comprends vraiment pas au nom de quoi un acte administratif aurait plus de poids que des années ensemble, mais bon. On ne va pas refaire tout le monde d'un coup.

Si jamais ça m'arrive, vous pourrez aller taper dans le dos du coupable : il aura réussi un tour de force.

Note

[1] Si vous doutez, j'ai éclaté de rire en écrivant cette phrase, la team premier degré peut passer au second