Depuis quelques années, j'aime surtout lire, voir des choses qui me questionnent, me bousculent. J'aime bien être raisonnablement perdue dans une œuvre, il m'arrive de ne pas savoir exactement ce que j'en pense après la fin. Laisser infuser, se mélanger avec l'essence de qui je suis. Marquer durablement, plonger dans l'oubli ? On verra.

Tout de même, de temps en temps, prendre le temps d'une lecture coupable ou d'un film facile, qu'on pourrait décrire à l'avance mais qui vous fait l'effet d'un caramel au beurre salé, d'une couette douillette en hiver. Du réconfort, un peu de régression. Les coquillettes au jambon de l'art.

Et c'est comme ça qu'hier soir, j'ai re(re re re re re)vu You've got mail par envie d'un sourire facile accroché au coin de mes lèvres, d'une histoire qui finit bien (elle).

C'est drôle, ce joli remake de The Shop Around the Corner qui jouait sur les récents, à l'époque, e-mails, a pris un drôle de coup derrière la tête. Il n'y a plus que les vieux dans mon genre pour se rappeler les bruits grinçants du modem et l'émerveillement créé par une lettre qui arrive sitôt écrite ! Je fais partie des gens qui en ont vraiment été ensorcelés (il faut dire que ma tante vit au Québec depuis près de 45 ans et que j'ai passé mon enfance à attendre 3 semaines ses réponses, elles-mêmes écrites après les trois semaines de voyage de mes lettres, que j'avais un non-amoureux de première qualité au Danemark et que cet outil magique allait construire l'illusion sur laquelle j'allais vivre dix ans avec le père de mon aîné) par le fait de pouvoir se lire et s'écrire si facilement.

Car, tragédie, je suis atteinte d'une maladie génétique qui consiste à être sensible à l'écrit. A l'épistolaire. Ce n'est pas de ma faute, ce sont mes arrière-grands-parents qui ont commencé ! Alors bon, les lettres d'amour, vous pensez.

J'étais donc devant ce film qui n'a plus pour moi beaucoup de surprises mais des tonnes de sourires, habituellement. Mes rêveries ont finalement transformé ces sourires en nostalgie.

Est-ce que je recevrai encore des lettres d'amour, un jour ? Non parce que j'en ai eu, mais pas assez et sans doute pas les bonnes. Et puis de nos jours, qui écrit encore ? Qui lit ? Ce n'est pas un hasard si les gens se jettent sur les vidéos, c'est moins de lecture...

Bref. Entre vieux feuillets issus d'histoires d'antan, e-mails antiques, messages plus courts, je ne peux pas dire que je n'ai rien reçu. Certains m'ont fait bondir le cœur dans la poitrine, d'autres ont nécessité des tonnes d'abnégation pour retenir l'effort et pas l'absence de maîtrise (je sais, c'est vache). Quelques-uns ont semé un trouble dont je ne savais pas qu'il était là, prêt à faire surface. Parfois des riens, quelques pixels. D'autres ont déclenché des rêveries ) parfois peu réalistes, parfois plus.

En ce moment où la pulsion de vie bat si fort en moi, difficile de se résoudre à l'idée que cette partie-là, c'est peut-être fini, sans une énorme dose de tristesse. Laissons-là traverser. Cultivons l'art des petits bonheurs. Respirons fort, pensons à autre chose. Laissons la vie s'écrire (autrice impitoyable, si vous voulez mon avis, autant qu'indispensable).