L'autre soir, je suis allée au cinéma après le bureau[1].

Grande confusion chez deux jeunes collègues, pourtant du genre intrépides et délurées.

— Tu vas au cinéma seule ? Moi je ne pourrai pas.
— Ah moi non plus, ça doit être horrible !

Mais non, ça n'est pas horrible ! C'est même assez chouette, d'aller voir le film qu'on veut voir, au moment où on a envie / l'énergie / le temps. Comme plein d'autres choses, d'ailleurs.

Je leur ai donc révélé, dans un but pédagogique, que j'allais aussi parfois à des concerts seule (au temps pour celui de ce soir, victime de mon vieux dos), voir des expos, toujours seule et même de temps en temps au restaurant sans autre compagnie que la mienne.

Cris d'effroi sur tout l'open space.

— Mais tu ne t'ennuies pas ?
— Mais on ne t'ennuie pas ?
— On doit avoir l'impression que tout le monde nous juge d'être seule (hint : non, la plupart du temps les gens se foutent de ce que vous faites, encore plus si vous vous foutez de leur regard ou de leur avis)
— Ah mais moi j'aime bien débriefer à chaud, alors ça ne m'irait pas.

C'est sans doute le seul argument sur lequel j'étais d'accord. Le partage instantané avec une personne qui a vécu la même chose que vous au même moment, ça oui, c'est vraiment chouette (encore que : qui peut dire avoir vécu exactement la même chose que son voisin ? Bref).

Alors oui, ai-je conclu. C'est chouette aussi, de partager. Mais ça n'est pas chouette plutôt que.

Et puis si on doit attendre d'avoir trouvé une moitié sortable pour aller mettre le nez dehors, je fais quoi ? Je reste chez moi à dépérir ? Pas moyen, non. Hors de question de me priver pour une aussi mauvaise raison !

Et puis bon, j'en ai un peu fini, je crois, avec les choses qu'on fait ou qu'on "impose" à l'autre par "obligation" d'être ensemble. Enfin je sais bien que c'est une obligation qu'on s'impose, que je me suis beaucoup imposée. Mais comme au final il y a eu plus de dissonances de goûts et de façon de s'émouvoir que de bonheur à le partager, je savoure, je profite de ce moment sans concessions. Souvent avec la pensée d'une personne à qui ce que je vois / écoute plairait sans doute.

Ca me va bien, finalement, parfois seule avec le dialogue intérieur qui s'ensuit, les pensées et émotions qui s'enchaînent. Et parfois pas seule, si et quand c'est ou ça sera possible et avec les bonnes personnes pour vivre ça.

Note

[1] J'ai vu "Lee Miller" et c'était bien, si vous voulez tout savoir