Ca me travaille cette histoire d'artichaut.

Parce que non, en fait, vraiment. Je ne tombe pas amoureuse si facilement.

Oui, c'est facile de me toucher au cœur mais ça n'est pas parce que je suis attendrie que je suis amoureuse, sinon, on en finirait pas.

Parce que bon. On va dire que du collège à la seconde, j'étais la reine du crush qui démarre en septembre et se termine avec les vacances scolaires d'été. Quand d'autres filles en avaient un par semaine. Donc pas tellement.

Ensuite j'ai eu des mecs avec des relations plus ou moins longues, mais je leur garde, pour ceux dont j'étais amoureuse, plein de tendresse. A la fac, j'étais très forte pour séparer l'homme dans mon cœur de ceux dans mon lit mais bon, nécessité fait loi, hein. On peut être malheureuse en amour et ne pas faire vœu de chasteté pour autant. Manquerait plus que ça. Le P dont j'ai parlé là, je ne l'ai toujours pas désaimé. Alors oui c'est loin, on ne se connaît presque plus, vieux adultes que nous sommes devenus, le désir n'est plus là mais si je le croisais, il y aurait toujours un bond dans mon cœur, il a une place très spéciale dans mon univers intérieur.

Luce m'interpelle. "Alors peut-être que c'est désaimer, que tu ne peux pas ?"

Oui. Non. Enfin après une longue réflexion de deux semaines je mets un schéma à jour : les hommes dont je peut dire que non, y a plus d'amour, c'est sûr, ce sont ceux qui m'ont poussée à bout, mise en colère, vraiment. Pas la colère du moment qui s'éteint toute seule, celle qui te sauve la peau dans les moments où quelque chose d'essentiel a été touché. Donc ces trois-là, je suis ferme : amour fini. Ca a pris longtemps, mais ils ont épuisé mes stocks.

Mais sinon c'est pas faux. Je ne sais pas désaimer[1].

Ce qui, en langage technique, se prononce : t'as pas le cul sorti des ronces, ma pauvre vieille.

Note

[1] Ce qui fait plus de moi une pomme qu'un artichaut, si on veut filer la métaphore fruits et légumes.