Je suis tombée il y a quelques jours sur des vers de Victor Hugo, parlant d'amour. Ecrivant son amour, devrais-je dire. Beuglant, serait même plus juste. Depuis que je sais (grâce à Alain Decaux) que, comme de nombreux hommes - mais avec sans doute un peu plus de panache dans la plume - Totor était meilleur parleur que faiseur, j'avoue, je me gausse un peu. Dans le genre grande gueule, petit bras, il se pose là. En tout cas meilleur poète qu'amant, s'il faut tout vous dire explicitement.

Ca tombe bien, en matière de poésie amoureuse, j'ai toujours eu un faible pour les surréalistes. Repasa Totor.

Quoi qu'il en soit, c'est quand même fou, ce qu'on fout sur les épaules de l'autre, au nom de l'amour...

'Sans toi je ne suis rien, j'en mourrais si tu t'en vas, je ne respire bien que l'air que tu respires[1], j'en meurs que tu ne me regardes pas alors que tu es tout pour moi, mon souffle se coupe à l'idée que tu aurais pu ne pas exister, blablabla.'

Ne vous méprenez pas ; c'est rudement beau à lire.

Dans la vraie vie ?

Euh.

Imaginez-vous dire à l'élu(e) de votre cœur que vous allez en crever s'il ou elle ne vous aime pas en retour ? Probable que la dernière vision que vous aurez sera son (fort joli ?) cul, s'éloignant en courant de vous.

Alors oui, c'est une douleur immense, la fin de l'amour, l'amour pas réciproque. Parfois on se dit qu'on va en mourir. C'est rarement vrai ; ce qui l'est, vrai, c'est l'intensité de la perte et de la douleur occasionnée. Même quand c'est le pire du pire, qui survient, que l'autre "s'en va" comme dans "meurt", dans la pleine puissance de nos cœurs qui battent (on aimerait dire "à l'unisson", mais c'est un truc de poètes, ça). Ca cause une douleur difficile à surmonter, qui nous marque à jamais oui. Mais on en meurt rarement. Parce que la vie est fragile et d'une sacré robustesse à la fois, entre autres.

Dans le même ordre d'idées, ce dont on parle c'est ce que nourrit par sa présence, ce qu'il nous donne. Sans toi je ne suis rien. La vie n'est que solitude en ton absence. Depuis que tu es parti(e) je ne suis plus que l'ombre de moi.

Et l'autre, on le met où, dans tout ça ? Une fois qu'on lui a bien chargé la mule et rendu unique responsable de notre bien-être ? Disparu(e) au champ d'honneur de notre égo, un peu, non ?

Je crois que j'ai trop aimé les poètes quand ils parlaient d'amour.

J'ai trop attendu des hommes, de l'amour, un bonheur dont j'aurai dû prendre soin toute seule. Ca m'a tanné le cuir, beaucoup, sur les belles paroles. Je reste faible du verbe mais je deviens attentive aux actes. Et pour le reste, je me suis nommée seule responsable de mon bonheur.

Bon. Et puis il y a Leonard Cohen.

Imparable.

(Confession, je ne sais pas si je trouve cette chanson totalement surcotée ou absolument lumineuse, ça dépend des jours, de mon humeur. Deal with it. Ca allait pas mal avec ce qui précède.)


Note

[1] A ce stade je réclame une mesure de la qualité de l'air.