J'ai détricoté bien des choses, ces deux dernières années. Pas littéralement, au contraire, mon pull en cours est au point quasi mort, la faute à une tenace tendinite, notamment. Mais dans ma tête, dans ma vie, dans ma façon de construire la suite.

Je crois que depuis l'enfance, je me suis mis en tête qu'il fallait que je sois conforme à ce qu'on attend de moi pour être digne d'attention. Cette stratégie s'est déclinée par la suite : si je bosse super bien, on me laisse un petit peu d'espace pour être moi. Si je suis la meuf qui prend en charge le mieux-être de son mec tout fracassé, alors je mérite l’amour. Si je me tords dans tous les sens pour faire « comme les autres » alors je peux avoir des amis.

Parce que des « comme moi », je n'en ai pas rencontré beaucoup, les deux premières décennies de ma vie. Dès l'entrée à l'école ça m'a semblé être une fatalité à laquelle je ne pourrais pas échapper ; il y a quelque chose en moi qui fait que je ne fonctionne pas très bien avec « eux ». J'ai donc grandi avec assez peu d'amis. En tentant parfois de quêter l'approbation, la validation qu'est l'intégration dans une bande de potes. Ça a assez moyennement fonctionné, les amis, les vrais, ceux avec qui on se choisit, sont venus plus tard, je ne changerai ça pour rien au monde, finalement. Nous formons une drôle de bande éparpillée dans les âges, les régions, les pays, les retrouvailles sont toujours trop, rares mais que ces liens sont solides et forts.

Pour les mecs c'était pareil. Je me suis fondue dans ce que je pensais qu'ils attendaient de moi. Je leur ai donné ce que je pensais être bien pour eux, pour leur faire du bien, les réparer. Quand est venu le temps de constater que la réciproque n'était pas tellement équivalente, il m'a fallu du temps pour faire demi-tour, accepter l'idée que ça ne s'arrangerait pas. Je ne suis pas une sorte de déesse venue du fond des âges qui répare les traumas des autres en posant son index sur leur front (ou ailleurs), c’est une petite déception avec laquelle il va falloir composer.

Ça n'est pas un drame ; ça va même de mieux en mieux.

Je me sens tellement plus sereine, désomais. Je traite mes rechutes d’insécurité au sulfate de mépris. Si je peux me faire à vos fonctionnements, vous devriez pouvoir vous faire aux miens. Si vous ne pouvez pas, tant pis. Je n'ai plus besoin de validation. Et que le reste du monde aille se faire cuire le cul si ça ne lui convient pas.

Je les sens encore, parfois, ces moments où je ne rentre pas dans le moule et que ça fait lever les sourcils. Tu ne m'aimes pas. C'est la vie. Pas une remise en question de qui je suis..

Tant de temps pour en arriver à un truc aussi basique. Plus besoin de personne pour définir ce que je vaux.

Combien de temps passe-t-on à se faire, défaire, refaire, dans une vie ?