A nouveau dans une phase de gros blues gluant. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Je ne sais pas vraiment de quoi j'ai besoin. Alors je serre les mâchoires et je ne parle pas, sauf à ceux qui m'entourent immédiatement. Aux enfants, plongés dans leurs vies, pas assez vieux pour être sensibles aux autres, principalement. Je ne parle pas, non pas parce que je fais la gueule, je me tais parce que je suis facilement acerbe, dans ces moments là, parce que j'ai le coup de griffe facile et que personne ne mérite ça. Je repense à toi il y a quelques mois, quand il suffisait que j'éternue dans un coin d'internet pour te voir surgir dans mes messages. Tu ne sauras jamais comment tu étais le seul à réussir à détendre un peu mes mâchoires, assez pour que je sente le léger mieux dans la douleur. Il faut que je comprenne comment faire ça..
Ca va aller mieux, bien sûr. Je ne sais pas quand, je ne sais pas comment, mais je trouve toujours l'endroit où prendre appui pour me hisser vers le haut à nouveau. Personne ne va mourir, personne n'est en danger. Juste, la douleur, brutale. Il faut croire que j'ai encore des choses à évacuer de ces derniers mois. La dernière fois c'était cet été, ça s'espace quand même. Je n'avais jamais connu ces épisodes avant... Tu m'a dis que l'été c'était une période où les gens se ghostaient parce que c'était l'été. Il faut croire que j'ai le chic pour que ça me tombe dessus quand tout le monde est occupé ailleurs. Tant mieux, je déteste l'idée de peser en négatif sur la joie des autres.
Je me tais aussi parce que je n'ai pas envie de parler. A quoi bon gratter la plaie jusqu'à l'os ? Je serre les dents, j'attends que ça passe. Je ne sais même pas si toi, tu t'en rends compte, que je me tais. Je ne sais même pas ce que tu penses de moi, à vrai dire. Enfin, j'imagine, un peu de bien, je ne te crois pas masochiste, mais à quel point ?
Je me tais parce que je n'ai pas envie d'apitoyer, de provoquer des réactions qui vont, parce que je suis faite comme ça, me faire agir en sorte de rassurer celles et ceux qui vont réagir. Tout ira bien, rien n'est grave. Allez vivre et vous amuser, je serai de retour, bientôt. Un mot à l'une, une réponse à l'autre. J'alterne les heures gris foncé avec des moments de mieux. J'ai essayé de faire le pitre avec un bocal de foie gras, ouvert depuis longtemps quand je l'ai posté. Je vais faire une compil de conseils pour bocal dont on a déjà triomphé. Bref. My bad. Voilà pourquoi je me tais, je me sens tellement anormale et décalée face aux réactions de l'essentiel du monde. C'est presque pire. Je sais que je ne dois pas attendre ou espérer quoi que ce soit d'autre que ce qu'on a, de toi. Je ne suis pas bête, ni jeune écervelée. C'est parfois serein et parfois très inconfortable. Je ne suis pas sûre de comprendre qui je suis pour toi et il y a des jours où c'est plus facile à vivre que d'autres.
Je me tais et je passe des heures vides. Ce qui donne du sens à ma vie d'habitude m'écrase sous le poids d'émotions que je n'arrive pas à garder à leurs places, alors je m'enfile des épisodes de vieilles séries. Je ne suis jamais sûre d'arriver sans larmes à la fin d'un morceau de musique. Je devrais prendre mon fils sous le bras pour prendre l'air, prendre des photos, se promener. Il est vissé à son canapé et s'en fout complètement. Et moi je n'ai pas la force de faire semblant. Alors je grogne contre ces heures perdues, dont je me ferai reproche bientôt. Il n'y a rien qui m'appelle, dehors et ça me fait mal, ça aussi. J'ai lu hier une nouvelle de toi qui m'a bouleversée.
Je me tais et la preuve que ça ne va pas fort, mes chats sont collés à moi, commando de renfort contre les douleurs physiques et morales, toujours au rendez-vous. Ils m'émeuvent aux larmes, avec leur sollicitude féline. JJe ne m'explique pas complètement pourquoi c'est à toi que je pense quand je pense à... à peu près tout. Et je me doute que, quoi qu'il arrive, ton empreinte restera. C'est juste que j'ai envie de toi dans ma vie et d'exister pour toi. Sans que ça ne soit la réponse à tout, mais plus qu'une quantité négligeable.
Je me tais et j'entends mon téléphone vibrer à quelques mètres de moi. Je me prends à espérer que c'est toi. Est-ce que c'est toi ?C'était toi.
Je pense à toi, fort.
Je ne sais pas pourquoi, mais ton “Voilà pourquoi je me tais, je me sens tellement anormale et décalée face aux réactions de l'essentiel du monde.” me fait réagir à l'intérieur. Peut-être parce que je crois qu'on est légitime à être qui on est et à ressentir ce qu'on ressent, majoritaire ou pas..?
Anna, je n'ai pas de problème de légitimité mais de potentiellement répondre en mordant à des gens qui essaient d'être gentils. Par ailleurs, Noël est une telle injonction à la normalité que t'as beau savoir que tu as le droit, tu te prends quand même dans la gueule ton normalité comme une insulte à la vie en société.
Je comprends. Pour ce que ça vaut, je pense qu'on est très nombreuxses à se vivre en décalage à cette période et à ne pas oser le dire (parce que, oui, beaucoup d'agressivité en face :-(
Je pense que je suis un peu au-delà de×"mal vivre" cette période alors que je m'en suis abstraite le plus possible Anna et que je paye un peu des moments de "fonce dans le tas on verra plus tard". Ce qui n'empêche pas ce que tu dis d'être vrai.
(Décidément je communique mal aujourd'hui), j'avais bien compris que ça allait au-delà de "mal vivre la période" pour toi. Je t'envoie des câlins parce que je ne sais pas trop quoi dire/faire d'autre.
Mais non, Anna, c'est moi, désolée. ♥️
C'est dur de ne pas savoir ce qu'on peut faire pour prendre un peu de ta peine. Si tu as envie de picoler/rigoler/pleurer ou autre, j'ai une semaine de vacances pour le nouvel an (que je ne fête pas). N'hésite pas.
NP merci beaucoup. Je bosse, la semaine prochaine, mais si jamais je peux magouiller un truc je te dis.