Hier j'étais seule, une grande partie de la journée, c'était serein et doux. L'aîné était parti réveillonner chez des amies, le petit chez son père. Je me suis fait un petit déjeuner délicieux pour commencer l'année. En appelant mes parents pour leur souhaiter bonne année, j'ai vu qu'une des orchidées en boutons avait fait sa première fleur, comme un symbole. C'était joli. Je suis très fière d'avoir convaincu deux de ces trois orchidées de se remettre à fleurir, reste la troisième, je n'ai pas encore abandonné.

Je suis partie pour Paris, bus et métros peu remplis. Des gens dans tous les genres, des qui sortaient à peine de réveillon, d'autres revenus dans le monde hors des paillettes. Moi ? Docs aux pieds, perfecto sur les épaules, contrainte par rien, en route pour le cinéma, on a connu pire (oui, mon épluchage de malléole va mieux, merci de demander).

Le temps de prendre le rallongi du jardin Nelson Mandela entre la sortie du métro et l'entrée du ciné, de m'arrêter tous les trois pas pour une photos plus ou moins intéressante - beaucoup de moins, quelques une sauvables pour donner des nouvelles de la journée, disons, d'attraper un cappuccino hors de prix chez Vous-Savez-Qui-Je_Déteste-Mais-Chez-Qui-Je-Retourne et me voilà partie pour une première séance. Le temps, aussi, de constater que souhaiter une bonne année, équipée d'un grand sourire, aux gens qui bossent ce jour-là, les surprend (en bien). J'ai eu leurs beaux sourires en retour et c'était joli.

J'ai aimé "Le conclave" dont chaque plan est une master class de photo (ces couleurs ! ces contrastes ! ces compositions), j'ai ri à l'idée que si ça arrivait pour de vrai, ça foutrait un certain bordel. J'étais contente de bien suivre l'italien (enfin sauf le vieil italien bizarre, il paraît que ça s'appelle "latin", mais on est pas là pour la linguistique). Assez ravie à l'idée que le twist final a dû faire rager bien des critiques. Plus mitigée sur "Joli joli" (de jolis trucs, d'autres bof, dedans). Surprise par le nombre de gens au ciné, seuls ou pas.

Et puis rentrée à la nuit tombée, bidouillé dans les transports pour tenter de faire un film des images (enfin pas un film, une vidéo) j'ai retrouvé Cro-Mi qui m'a fait des lasagnes, douce journée. Il y a des façons pires de commencer l'année.

Enfin on se comprend ; j'ai vu l'état du monde. Mais dans un tout petit registre macro 3615 mon nombril, le démarrage de la précédente était si dramatique, la première partie de l'année si dure à trainer, la deuxième moitié employée à me réparer un peu, que bon. La comparaison va dans le bon sens. Toujours ça de pris pour les prochaines fois où ça foirera.

On est le 2, une invit dans nos agendas pro fait redémarrer la valse des questions, c'est reparti pour un tour.

Ok, tout cela est bel et bon, me direz vous, mais que fait ce billet ici au couvent, alors qu'il ressemblerait plutôt à un truc pour l'organe de propagande officiel ?

Pour un presque rien.

Une prise de conscience que j'avais avancé.

Je fonctionne très bien seule, et je crois que je ne dois plus jamais oublier mon goût pour l'autonomie, même si le truc un peu fou de l'amour réciproque se présentait à moi de nouveau. Mais là, à être tranquillement bien, je me suis rendu compte que je ne refusais plus farouchement l'idée que ça aurait pu être un moment à deux et pas rien qu'à moi.

Alors certes, s'il devait y avoir un deuxième, ça serait un qui ne s'agace pas que je m'arrête tous les douze secondes pour prendre en photo une corneille ou un reflet dans la vitre, derrière qui je ne m'agacerais pas de cavaler, qui ne trouverait pas que ça soit une idée très étrange de voir deux films d'affilée, avec qui le choix des films serait une microscopique aventure et pas un compromis. Qui comprendrait que lire et écouter de la musique sont des occupations vitales et à part entière. Si on ajoute quelques autres facteurs plus factuels, ça nous ramène à presque personne.

Il y a encore quelques mois, j'aurais été incapable d'avoir une histoire, même intermittente, même pas sérieuse, avec qui que ce soit, fût- il la perfection faite homme (huhuhu, genre), aurait- il été celui qui occupe mes pensées et battements de cœur[1] . En tout cas pas sans tout casser au passage. Ca va mieux. Encore quelques trous dans lesquels je tombe pour quelques jours, encore des rechutes de sabotage intérieur, mais peu, de moins en moins souvent et de moins en moins fort. Oui, petit à petit, je me sens capable d'ouvrir à nouveau les bras à un autre. Sans mettre en danger ce que j'ai eu envie de construire pour moi. Sans risquer de lui balancer des coups de griffes ou de lui sauter à la gorge pour des riens. Capable d'abandonner un peu les défenses, de refaire confiance.

Disons que passer de "non merci plus personne" à "presque personne n'est cap d'entrer dans ma bulle sans la faire éclater", c'est déjà un grand pas. Et si presque personne n'existe pas, tant pis. Mais s'il se pointe, alors on verra bien, un baiser après l'autre.

Note

[1] Alors j'en vois certains qui suivent se demander comment on peut avoir le cœur qui bat pour quelqu'un et ne pas être prête, si le cas se présentait, à franchir le pas. L'honnêteté m'oblige à admettre que l'impossibilité de la relation est d'une grande aide à ce sujet. Mais même. Admettons l'hypothèse que l'impossibilité soit un concept flexible, s'il avait pu se passer quelque chose, je crois que j'aurais tout bousillé à coup d'insécurités, de blessures encore à vif, de hauts et de bas. Bon, ça ne change pas tellement la réalité, tout ça. Ca me dit que ça va mieux, quoi qu'il arrive, ça n'a pas de prix.