C'est comme si ma vie était une maison et que dedans, il y avait une pièce où personne d'autre ne va.

Elle n'est pourtant pas interdite, l'accès y est libre, la lumière belle, la vue chouette, elle est confortable et accueillante. C'est un endroit aménagé depuis très longtemps dans ma vie qui s'est mélangé à moi, à qui je suis devenue. Mais elle n'intéresse pas grand monde, même personne.

Quand j'étais enfant, enfin, grande enfant, elle faisait sourire les adultes qui m'entouraient, ça a duré quelques années. Elle a été le départ d'une sorte de monomanie littéraire. Elle a été l'endroit où je retrouvais des copains que je n'avais pas rencontrés dans la vie.

A force d'y être seule depuis 40 ans, c'était devenu... ma normalité, que cette porte ouverte ne donne envie d'en franchir le seuil qu'à moi.

C'est comme si dans cette pièce, l'autre jour, j'y avais trouvé quelqu'un. Qui y était confortablement installé, avec sa propre déco, sa propre histoire, comme s'il y habitait depuis aussi longtemps que moi.

Ou alors que cette personne avait une pièce aussi aux mêmes dimensions que la mienne et que les deux se soient superposées ?

J'ai commencé par perdre mes mots puis à rationnaliser. C'est une coïncidence, juste une coïncidence. Pas de la magie.

C'est fou, ce qu'elle me fait, cette coïncidence, quand même.

Un immense plaisir, beaucoup de surprise, un rien de flippe, de la joie à ne plus savoir qu'en faire, à ce que quelqu'un connaisse cet espace là. Entre autres.

Je fais cette tête là.