Si tu ne sais pas qui tu es, les pubs et posts sponsorisés sur les réseaux sociaux te le diront aisément.

Au programme pour moi :

  • des variations sur le thème "cuisses qui frottent". C'est effectivement un problème épouvantablement douloureux, mais peut-être pas au point d'acheter un cuissard à 45 balles (dont l'argument de la créatrice est qu'il vaut son prix parce qu'elle a beaucoup travaillé) ou une crème à 22 balles. J'en profite pour lâcher à celles et ceux concerné(e)s LE truc à pas cher qui me permet de me livrer à ma passion des jambes nues sous les longues robes d'été : huile d'amande douce. Pour une somme modique et un produit disponible absolument partout, problème résolu, bye bye solutions miracles onéreuses. Voilà. La crème Nok fonctionne bien aussi, si vous préférez, mais l'huile d'amande douce a ma préférence (prix, composition, ça dure la journée même après la plage, etc, vous savez tout.)
  • toute une panoplie d'incitations au pilates au mur, yoga au lit, gym pour les grosses concernant principalement les femmes ménopausées. Alors d'une part, j'ai des preuves scientifiques réalisées à la demande de ma gynéco qui vous diront que je suis encore très loin du sujet, et d'autre part allez bien vous faire cuire le cul, vendeurs de rêve et d'abonnements cachés à prix aussi gros que votre clientèle cible.
  • les applis de rencontre. Mention spéciale à un réseau qui me propose de créer un profil "rencontre" avec un aperçu pour me donner envie qui indique un âge... de moitié le mien.

On en conclura donc que je suis une femme dont l'âge évoque les premiers signes de ménopause, grosse et célibataire. Tout pour plaire, hein ?

Y a juste un problème.

Je ne suis pas persuadée que les "solutions" à ce qui semble être mes "problèmes" ne me conviennent, ni que les dits "problèmes" ne me définissent. Car oui, je suis une femme grosse de presque 50 ans et actuellement célibataire.

Bon. Apprenez moi un truc que je ne sais pas, maintenant ?

Disons le clairement, j'ose espérer que si je ne devais plus l'être, célibataire, ça serait en raison de la présence dans ma vie d'un homme qui ne me raisonnerait ni en centimètres, ni en kilos, ni en années. Qu'il aimerait me faire rire, m'offrir des livres et écouter de la musique ensemble, par exemple, et que ça serait ça les vrais trucs qui comptent. Ok on est déjà dans un segment restreint mais hey. Et s'il n'y en a pas, des mecs qui trouvent que mon ensemble vaut largement (haha) le coup, ben... tant pis.

Par ailleurs, je crois bien que je suis un personne beaucoup plus chouette, une amoureuse bien plus enthousiasmante et une amante bien plus intéressante qu'il y a 25 ou 30 ans. Malgré un certain nombre de kilos supplémentaires. Et d'années. Malgré un corps plus mou et plus victime de la gravité.

Et je n'ai pas passé un nombre conséquent d'années à devenir qui je suis pour me faire culpabiliser par la pub de vendeurs de merde que ce "je suis" est trop ou pas assez. Mais la preuve madame, vous êtes célibataire. Ta gueule, la pub.

Il n'y a pas que la pub, d'ailleurs, qui me cerne. J'ai de très jeunes collègues qui ne savent pas qui sont les Rita Mitsouko et qui parlent à voix haute, derrière mon dos, des personnes de 50 ans comme d'une espèce qui ne devrait même plus avoir droit de vie tellement nous sommes vieux, ringards, incapables de comprendre leur monde. (Je dis nous bien que ne les ayant pas encore, mais je m'entraîne depuis un moment et puis c'est suffisamment imminent pour que je me sente concernée).

L'autre jour je me suis retournée en me marrant et je leur ai dit "la différence entre une personne de 50 ans et vous c'est qu'elle a déjà eu votre âge, et les souvenirs qui vont avec. L'inverse n'est pas vrai."

Assez contente de mon petit effet sur leurs jeunes minois gênés de s'être fait choper (en l'occurrence ça n'est pas du tout de moi qu'elles parlaient mais franchement, j'adore recycler le "t'as jamais eu mon âge" très Agrippinien. Elles ne doivent connaître ni Agrippine ni Brétécher, d'ailleurs, mais on s'en fout.)

Je leur souhaite le plus joli chemin possible et d'arriver à leurs 50 ans, et plus encore, avec le même sentiment libérateur que moi, de se dire qu'au fond, c'est assez kiffant de se rencontrer, de plus en plus soi, toute la vie. Et que quitte à aller dans le mur autant y aller à fond (car oui, je le répète, on meurt tous à la fin).

Bref.

Ce qui me fume, au fond, c'est que si des gens dépensent des sous pour ces pubs, elles doivent rapporter. Et donc qu'il y a plein de femmes pour payer des fortunes pour lutter contre l'inéluctable, se fuir, se sentir coupables d'être qui elles sont.

Pour ma part, je vous en informe sans détour : j'ai l'intention d'être de plus en plus vieille, ridée, fripée, probablement toujours grosse, pour le reste de ma vie. Pour le célibat, on verra si la vie est surprenante ou pas.

(Oui, j'envoie des photos impolies à mon enfant pour l'encourager pour le concours et ce dès le réveil, ça non plus ça ne bougera pas tellement.)