Je me souviens d'un lit d'enfant, au fond d'une chambre, d'une commode, d'un magnétophone dessus ; je me souviens de cette cassette offerte par un ami extravagant et lettré de mes parents, Le Petit Prince. Je me souviens de la voix de Gérard Philipe et de comment cette histoire me donnait envie de savoir lire pour m'en débrouiller seule.
Bref, j'ai été biberonnée au Petit Prince, et le renard a été un personnage important dans mon rapport à l'autre[1].
Je ne sais pas si c'est de sa faute ou pas, mais comme lui, je fais, je crois, la plupart du temps en tout cas, un peu, beaucoup gaffe à ce que l'autre pourrait attendre ou espérer, souvent trop, jusqu'à m'oublier, étouffer. J'y travaille. Sans toujours trouver l'équilibre entre ce que je veux donner et comment ne pas me faire submerger, mais hey. On ne se refait pas, ou pas tant que ça.
Je me suis rendu compte, il y a peu, qu'à l'inverse, je considère que les autres n'ont pas de devoirs, à mon égard, que chacun doit être libre de ce qu'il apporte ou pas. Quitte à me sentir totalement abandonnée, parfois, faute de dire clairement que j'ai besoin ou envie de quelque chose en particulier de cette personne en particulier.
Je suis le fruit d'un oubli, sans grande conséquence autre que mon "petit" trauma portatif. J'ai appris très jeune (vers le même âge que Le Petit Prince), que les personnes qui m'aimaient le plus au monde et qui étaient le mien, de monde, pouvaient m'oublier. Et certes, ça n'a duré que quelques secondes, quelques minutes, mais on ne choisit pas ce qui nous marque pour toujours et j'en ai tiré la conclusion diffuse que j'étais oubliable, même par celles et ceux qui m'aiment.
Ça, croyez bien que j'y mets de l'énergie, pour essayer de m'en défaire. Ça pèse trop lourd, depuis trop longtemps.
Pour le moment, je dirais qu'il reste un irréductible bout de moi, de plus en plus petit, mais bel et bien là, qui est persuadé que je disparais de la tête et du coeur des gens dès que j'ai le dos tourné, à peu près. Un truc particulièrement audible quand ça va moyen.
Alors je lui tatanne la tronche, à cette croyance, je lui oppose des faits. Dans les bons jours, ça marche, dans les mauvais je me dis que j'ai rêvé, que je me suis trompée sur tout.
Je ne baisse pas les bras.
Quand je pense au renard du petit prince, je pense à ma part sauvage, méfiante, sur ses gardes, qui a besoin exactement de ce qu'il recommande au petit prince pour être apprivoisé. Et puis quand l'apprivoiseur s'en va, il reste la couleur des blés.
"Les petits traumas portatifs" ( j'aime beaucoup la formule) pèsent lourds parfois.
Alana, la pureté de cette phrase : ""J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur des blés". Ca me tue à chaque fois.
Et oui, ce trauma, ça fait longtemps qu'il est là, donc, et en fait je me rends compte maintenant qu'il était plus lourd que ce que je pensais. La vie. Bisous, ma belle.
Tiens… y a (encore) des similitudes… on n’est pas potes pour rien, sista ! Je dois en parler avec quelqu’un dans ma tête mais je traîne des pieds…
Orpheus faut dire, c'est tout un boulot d'aller appuyer là où ça fait mal dans l'espoir de fonctionner mieux. J'en suis au stade où je suis cabossée de partout, le moteur en pièces posé à côté de moi. Les vieux trucs ne fonctionnent plus mais les nouveaux pas (ou pas encore). Comme dirait la philosophe : "Bitch, what the fuck ?"
Bacci, fratello !