C'est vertigineux, les histoires qui vous cueillent par surprise et vous envoient en l'air comme un fétu de paille. Ça fait une drôle de sensation, de rencontrer une personne avec qui les voix intérieures s'emmêlent et produisent un son unique, une harmonie inédite à laquelle il est impossible de se dérober. J'ai parfois la fugace sensation de faire partie du jeu de vieilles divinités capricieuses. Parfois celles d'être envahie par une force de vie juvénile et impétueuse. Souvent les deux à la fois. L'idée même que ces impressions existent est folle. La possibilité qu'elles cessent est terrifiante.
Vertigineux aussi parce que l'amour ne suffit pas, contrairement à tout ce qu'on nous apprend dans les films. L'amour à l'âge qui est le mien, à supposer même qu'il soit suffisamment partagé pour se poser la question, c'est aussi une vie derrière. J'ai souvent dit que moi, j'étais libre. Mais ça n'est pas si vrai, j'ai des enfants à charge, l'un d'entre eux encore assez loin de l'indépendance, leurs cœurs à préserver quel que soit le sort que je réserve au mien. Éventuellement, une féroce indépendance, reconquise de haute lutte, à amadouer.
Vertigineux parce que : et si ? Nos essences se parlent, de cœur à cœur presque sans intermédiaire mais, imaginons. Et si ? Si ! Est-ce que l'alchimie irait jusqu'aux corps, jusqu'à l'harmonie de l'existence terrestre ? J'ai un pari très positif, sur le sujet, mais quel saut à faire avec cette inconnue si grande. (Mais aussi une forme de certitude déconcertante, qui se dispense de la peur, ou plus exactement lui révoque son droit d'entrave, en ce qui me concerne. Oui il pourra y avoir des engueulades et des déceptions, mais quand on a ce "ça", quand on se souvient de tout ce qui relie, de toutes les synchronicités, alors ça n'est pas un peu de terrestre qui peut abîmer l'existant.) Et puis, si ça ne fonctionnait pas avec cette dose de... hors du commun, avec qui ça pourrait ?
Et pourtant, j'ai cette confiance en sa présence, cette démarche assurée de sentir ses pensées près de moi. Quand on se voit, je ne suis pas dans une panique invalidante mais dans une forme de sérénité imperturbable, de celle qui sait où elle va et pourquoi. Tant mieux, d'ailleurs, sans cette sérénité j'aurais du mal à garder ma réserve de mots et de toucher, je ne suis pas sûre que j'arriverais à aussi bien contenir mes élans[1].
C'est vertigineux parce que c'est grand, que ça me dépasse un peu. Mais pas un vertige qui vous attire inexorablement vers le bas. Un vertige qui donne envie de le regarder bien en face parce que tout ça, ça fait grandir l'âme en plus de chavirer le cœur.
Note
[1] Mais pourquoi les contenir ? On en a déjà parlé, voyons. J'ai longtemps dit que, même s'il pouvait tout me mettre sur le dos, en cas de soucis, si un jour il s'égarait contre moi, je voulais être sûre que c'était son choix, de ne pas l'avoir poussé, d'une certaine façon. Et puis parfois je me demande pourquoi. On n'en est pas à une bizarrerie près.
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