Gilda disait quelque chose de fondamental dans les commentaires du billet précédent :
"On a eu au boulot une formation qui était un atelier au sujet du sexisme et j'ai pris conscience d'à quel point les femmes de ma génération (naissance années 60) on avait intégré comme inévitables et constitutives plein de défaillances des hommes, exactement comme on intègre qu'on ne peut pas demander telle ou telle chose à un enfant de moins de tel ou tel âge."
En contrepoint : on attend donc des femmes qu'elles le prennent en charge. Et, spoiler alert, ça fonctionne aussi sur les décennies d'après.
(Et aussi au travail.)
Je crois que ça n'est qu'en lui répondant "Et puis on peut voir avec tendresse des individus et leurs ressorts sans se faire un devoir de les sauver d'eux-mêmes. C'est un putain de soulagement de se dire ça'" que j'ai pleinement pris conscience de ce que ça voulait dire, pour moi.
Ça n'est qu'il y a très peu de temps que j'ai réalisé que ça n'était pas mon job de réparer les traumas et de prendre en charge les dysfonctionnements des mecs dans ma vie. Que je n'avais ni le pouvoir ni le devoir de les guérir, de les réparer ou de les remettre au monde, lavés des conséquences de leurs enfances et/ou de leurs meufs précédentes. Ni à me mettre en quatre pour que l'intérieur de leur tête fonctionne moins douloureusement. D'autant que dans des registres totalement différents, la réciproque était très très loin d'être au rendez-vous, mais c'est une autre histoire.
Ce constat va paraître évident à ceux qui lisent. De la même façon que ma conviction passée va paraître naturelle à celles qui lisent. Nous, les meufs, on est en charge de l'affect et du soin, c'est ainsi qu'il est écrit dans les étoiles depuis des millions de générations.
Mais non. On n'est pas responsables de la putain de charge émotionnelle du monde, bordel. Pas plus que celle de nos mecs, pères, frères, cousins, amis, en tout cas pas à l'absurde, pas au point de se sacrifier.
J'avais déjà partiellement soigné mon syndrome de la sauveuse, c'était sans compter mon côté terre-neuve qui aime bien que les gens qu'elle aime soient heureux. Entre ceux qui en profitent pour vous transférer l'intégralité de leur poids émotionnel sur les épaules parce que ça déborde et ceux qui vous envoient chier sèchement parce que vous avez suggéré qu'une émotion les a traversés et que peut-être ils ne seraient pas capables de lui faire la peau tout seuls, la lourdeur.
Portez vos couilles, les mecs, bordel. Ou en tout cas, votre part de ce boulot-là. Ca me fait penser à l'hilarant Vidura Bandara Rajapaksa qui raconte qu'il a été très déçu par la thérapie, qu'il pensait qu'il y allait comme on va au garage et que le psy allait le réparer, mais qu'en fait, c'est à lui de faire le boulot, c'est comme aller chez Ikea et qu'il doit faire tout le "unfucking" lui même.
Or donc, s'il paraît normal de se préoccuper du bien-être de l'autre dans le couple, ou dans une relation en général, la base serait un semblant de réciprocité, ou, allez, soyons ambitieux, d'équité ? Il a fallu 7 millions d'années d'évolution pour que les hommes trouvent le bouton "on" du lave-linge et du lave-vaisselle, avançons ensemble sur le chemin de la charge affective partagée. Vous allez voir, ça va être beau.
D'aucuns objecteront qu'en ce moment, je questionne avec entêtement les cailloux dans ma chaussure et ils n'auront pas tort. Peut-être que j'en ai marre de me dire que c'est moi qui ne rentre pas dans les cases, et que je préfère soulever l'épineuse question : pourquoi, bordel, aurait-on envie de rentrer dans une case ?
Je suis assez consciente que ça me donne un petit côté Hulk enragé[1] et, de fait, j'ai encore de la colère à évacuer. J'essaie d'en faire le moins mauvais usage possible. Et la suite de ma vie à inventer, tant qu'à être debout.
À ce stade, Cro-Mi, s'il lisait mon blog[2], me demanderait si vraiment, je ne veux pas être lesbienne. Et je lui répondrais, si son petit frère n'est pas dans les parages, que j'aimerais bien, mais que, résolument, j'aime la bite et que c'est plus difficile à arrêter que la clope.
Notons que pour le moment je suis plus croyante que pratiquante, mais hey. La foi fait des miracles, paraît-il.
Mais pour les générations futures, je veux laisser cet héritage : le romantisme est une invention des hommes pour qu'on se dispute le droit de les supporter.
Ben battez-vous sans moi, hein.
(Et mettez des cierges pour que mon espérance de vie ne soit pas aussi longue que ma grand-mère, il y en a qui se calment en vieillissant, moi je vire vieille punk atrabilaire. Kestuvafer ?)

(Hiiiii Kozlika, regarde ce que j'ai retrouvé dans mes archives photos !!!)
Notes
[1] D'ailleurs la tête de mon prétendant de bureau quand je lui ai dit que je n'étais pas une caution pour éviter de se faire humilier par sa mère était priceless, mais c'est une autre histoire.
[2] Je lui ai lu ce passage à haute voix, par précaution, il valide en me disant qu'on a déjà eu cette conversation pour de vrai.

Trop bien la photo (et si pertinente et si assortie avec ce merveilleux billet - fond et forme).
Kozlika je me souviens que tu avais le tshirt violet avec le même motif !!!
Merci chère sorcière bien-aimée !
Han, j'ai le même tee-shirt mais sur fond blanc \o/
Franck il va falloir qu'on organise une convention !!
Tu me fais penser au titre du premier épisode de la serie She-Hulk : a normal amount of rage.
Je pense aussi à Leia Organa, qui console Luke parce que son mentor-de-pas-si-longtemps vient de mourir. Elle, toute sa foutue planète vient d'être oblitérée, mais t'inquiète. D'ailleurs, si elle a besoin de réconfort, elle trouvera une amie, c'est tout. Évidemment, dans l'univers Star Wars de l'époque, elle risquait de chercher longtemps une femme en 3D...
Anna j'adore cette série.
Pour autant, malheureusement pour moi, je vis dans la réalité qui est à la fois moins comique et moins facile à aménager selon mes voeux que la fiction. Mais hey.