Je ne vous ai pas tout dit à propos de mon coup d'éclat au cinéma, l'autre jour.

En sortant du film, le gentil monsieur qui fait des cafés / vend du popcorn / et des places pour les films / et contrôle l'entrée des salles, m'interpelle "Madame, il y a un monsieur qui veut vous offrir un café !"

What the[1] ?

Le type du ciné me remet donc un papier avec un prénom, un numéro et rien d'autre. Il me dit que le gars avait beaucoup rigolé à l'altercation et qu'il lui avait demandé de me laisser ce message en partant.

J'ai fourré le papier dans une poche de mon blouson où je l'ai oublié une bonne semaine, jusqu'à avoir besoin de trouver je ne sais plus quoi, une mitaine ou ma Ventoline.

Et donc, plus d'une semaine plus tard, j'ai fini, dans un très bizarre mélange de "s'il y a un mec flippant au cinéma où je vais souvent, autant savoir qui c'est" et de prime à l'impertinence [2], je lui ai envoyé un message qui disait en somme que j'étais la terroriste la plus redoutée des vieilles dames cinéphiles et que je n'étais pas sûre d'aimer le café, même si j'en bois quotidiennement.

S'en sont suivis de maigres échanges, un peu marrants, un peu bof. Le type prétendait ne pas être un nonagénaire, ce qui est douteux vu la moyenne d'âge des clients de ce ciné. Et musicien. Et d'autres trucs de cet ordre. Jusqu'à "Vous allez souvent dans ce cinéma ? Ce week-end, pour le café ?"

Eh ben non, jeune homme (ou pas), ce week-end, j'ai mes enfants, pas de ciné pour moi, ou pas celui-là.

C'était un soir, je me suis endormie, le matin il y avait une notif sur mon téléphone et quand j'ai cliqué dessus : rien. Plus de messages, mec volatilisé.

Mon amie S. a échafaudé des scénarios très inventifs sur les raisons de cette disparition. Je crains que la réalité ne soit bien moins en la faveur de ce pauvre mec, prêt à dépenser pas mal d'énergie pour mettre une meuf dans son lit, mais quand même pas en risquant le piège fatal, la contamination absolue : les enfants. Je crains aussi qu'il ait présumé de mon entrain à son égard mais la question s'était résolue d'elle-même, pas besoin d'y mettre plus d'énergie que nécessaire.

Alors franchement, la prochaine personne pour me dire que mon absence de disponibilité émotionnelle risquerait de me faire passer à côté de quelque chose... ben risquons, tiens. Parce que de ma (longue et documentée expérience), j'ai loupé vachement plus de trucs à cause de l'immense foule de connards dans laquelle on aperçoit parfois, de temps en temps, un être humain, que l'inverse.

Oui, j'ai écrit connard deux fois dans ce billet. Tout le monde va s'en remettre.

La rue Saint Lazare, ses cyclistes urbains, ses vieux cinéphiles.

Notes

[1] D'autant plus de sidération que je suis à un moment de ma vie où un certain nombre de choses, coeur en tête, sont comme pris dans un bloc de marbre, dur, froid, impénétrable. Je n'ai pas les moyens de ressentir, juste observer, un peu, et encore, pas tout, pas tout le temps. Et ça n'est pas un drame, c'est un temps, un sale moment à passer, la vie va grandir autour de ça, des chemins vont se rouvrir, mais pour le moment je suis émotionnellement comme ces malades qu'on plonge dans le coma pour leur éviter la souffrance. Alors la pensée qui m'a traversé l'esprit, c'était de l'ordre "d'où il veut m'offrir un café ce connard ?"

[2] J'ai toujours eu un faible pour l'impertinence intelligente, il faudrait que contre ça aussi, je me blinde, tiens.