« On est toujours piégé par les attentes qu’on peut avoir d’autrui.» écrivait l'autre jour mio fratello Orpheus.

Peut-être que, justement, c'est ça qu'il faut, ne pas en avoir, d'attentes. C'est extrêmement difficile, je vous le concède. Mais on peut tendre vers, on n'est pas obligé d'y arriver tout le temps ni tout de suite.

C'est très similaire, pour moi, avec cette envie, cette attente d'être compris.

On n'a, finalement, jamais aussi mal que par celles ou ceux qui nous comprennent le mieux, non ? Ne serait-ce que parce qu'on les laisse s'approcher bien plus près.

On construit avec l'autre, parent, ami, enfant, amour une langue commune et on croit s'entendre, mais finalement, on n'est toujours que dans la supposition. Ou bien on cesse de comprendre cette langue commune dès lors qu'elle vient menacer quelque chose chez nous, peut-être ?

La communication, disait un de mes anciens boss, d'un ton sentencieux, c'est un émetteur et un récepteur. (Généralement pour me dire que s'il avait mal compris, c'était de ma faute.) Et toutes ces petites pièces, ça peut tomber en panne, se dérégler, choper une autre fréquence...

Il nous arrive parfois de déposer notre cœur nu dans les mains d'une autre personne en se disant que, quoi qu'il arrive, on sera entendu, qu'elle prendra soin de nous. Et on se retrouve au milieu d'une tornade verbale, d'avoir touché du bout du doigt un point sensible qu'on n'avait pas prévu.

Ça peut être d'une violence terrible, destructrice.

Moi, la dernière fois que ça m'est arrivé, j'ai eu plus mal de la violence de la réponse que du désaccord. Peut-être que du côté émetteur, c'est passé totalement sous le radar, ce que ça a pu me faire.

Ce qu'on reçoit en regard de ce que l'autre a cru mettre est parfois mystérieux. À se demander comment on peut se comprendre, parfois. Les mots, leur définition et tout ce qui ne se dit pas, justement...

Bref. Tout ça pour dire qu'on peut penser que, notre main à couper, avec lui ou elle, on pourra toujours discuter et s'entendre, et quand même se trouver devant des situations où le moindre mot de l'autre blesse, en faisant exprès ou pas.

J'essaie, de plus en plus, de me laisser guider par ce qui est essentiel pour moi. De ne plus laisser la tristesse ou la colère me dicter mes décisions, de prendre le temps de peser ce qui est le plus grave à perdre.

De me dire que l'autre fait ce qu'il peut, que moi aussi, et qu'on n'est pas toujours au sommet, pas toujours aux mêmes endroits.

Parfois c'est une broutille, parfois pas.

Parfois c'est une vraie trahison parce qu'il y a une forme d'engagement antérieur, parfois ça en a le goût mais c'est juste une déception plus ou moins cruelle. Pas de ne pas être d'accord, de ne pas avoir su se le dire sans se faire du mal.

C'est souvent, finalement, un moment qui nous en apprend sur nous, sur l'autre.

À nous de voir ensuite où l'on souhaite mettre les curseurs, ce qu'on peut accepter ou pas sans se renier soi. Ce qu'on veut de cette relation. Pas des questions auxquelles on peut toujours répondre en une heure ; souvent on passe du temps à mûrir, laisser décanter, décider ou laisser faire. A se dire que l'avenir répondra.

Et puis on n'a pas les mêmes seuils avec tout le monde, ni tout le temps.

Alors voilà.

J'essaie par principe de revenir au fait qu'on ne se veut pas de mal, même si on se l'est mal dit[1], qu'on n'a pas forcément l'empathie tournée de la même façon, que ce qui est important pour moi ne l'est pas autant pour elle ou lui. J'essaie d'avoir confiance, en la relation, en la personne. J'essaie de ne pas avoir de demandes informulées. Pas toujours facile. Et puis on n'est bien que des humains, sujets à petites et grandes misères, petits et grands bonheurs, qui font varier notre ligne de conduite avec les humeurs associées.

Et pourtant. On ne s'habitue jamais vraiment à cette douleur quand elle surgit.

On veut être compris, on sait que c’est impossible et pourtant on continue à tendre les mains.

Câlins, Orpheus.

Deux tuyaux très poussiéreux à l'entrée d'un parking évoquent le geste qu'on fait de la main pour dire qu'il y a un tout petit écart entre deux choses.
À ça de se comprendre., déc. 2025

Note

[1] Dès lors qu'il s'agit d'une relation un peu proche, hein. Je ne suis pas candide à ce point.