C'est fou ce que la mémoire nous fait. La mienne est plutôt bonne, en général, et c'est un outil à double tranchant. Mais je viens de découvrir un gouffre dedans. Suite à ces billets, j'ai continué à cogiter. J'ai fini par atterrir sur le fameux blog secret et à le relire intégralement. Putain de sort, que j'avais raison d'être en colère.

Or donc l'année où Slip en Kevlar (Sek, en abrégé, flemme) et moi aurions pu être disponibles l'un à l'autre, je vous l'ai raconté, il m'a éconduite. Que pour autant, son comportement ambigu est resté ambigu et qu'il avait eu du mal à comprendre que si c'est lui qui dit non, c'est aussi à lui de faire garde à ses débordements, je crois que je l'ai dit aussi.

J'en avais oublié tellement...

Mais tellement !

En préambule, même si je ne suis pas toujours une fille raisonnable, quand un mec me dit non, ou que la situation implique un no go, je suis d'une sagesse exemplaire. Je limite mes envies de contact à la sphère des rêves, je garde mes mains pour moi. Mes mots un peu moins, mais globalement, je suis une meuf, j'ai intégré l'idée du consentement. Un peu jusqu'à l'absurde, il m'est arrivé de comprendre un "signal" avec quelques secondes ou minutes de retard et de continuer sur ma lancée le geste ou la parole en cours. Occasion ratée ? Nous ne saurons jamais. (Oui vous pouvez rire) Enfin quoi qu'il en soit, le mec qui me dit non, tant que je n'ai pas sa langue dans ma bouche, je considère qu'il n'a pas changé d'avis ou décidé de tester l'élasticité de son cadre de vie habituel. (Oui je sais, je suis l'élégance personnifiée, vous allez vous en remettre).

J'ai donc relu tout ce que j'avais écrit. J'ai mis des précautions sur le fait que quand je l'ai écrit, c'est parce que j'étais émotionnellement en vrac. Que j'ai 15 ans de plus. Bref, j'ai pris ça avec des pincettes.

J'en suis arrivée, ulcérée, à la conclusion que j'avais bien fait d'être en colère et de l'être restée longtemps.

Je veux dire, le mec m'a littéralement tenue dans ses bras pendant un an. Il a vécu avec sa bouche dans mon cou, sur mon épaule, à me mordiller les doigts, il connaissait de ses doigts chaque millimètre de ma nuque, de mon dos... en allant progressivement toujours un peu plus loin. Il a parfois pris ma main pour choisir l'endroit de son corps où la poser (rien de complètement scandaleux mais pas des endroits qu'on touche entre potes, quoi. Payez moi un ou deux coups à boire et je vous raconte les détails). Et quand je lui disais (pas une fois, à intervalle régulier), que c'était un peu compliqué de ne rien attendre de lui, il me répondait qu'il était sûr de lui et que non, il ne m'aimait pas. Enfin pas amoureusement, quoi. La violence du truc.

Sans parler de sa proposition plusieurs fois renouvelée de l'accompagner à Venise avec... accrochez vous à vos bretelles, vous allez éclater de rire... sa mère. Sa mère, bordel !

Tu m'étonnes que j'y ai cru.

Je crois que le meilleur c'est qu'il était fier de, je cite, ne pas "avoir tout vu par le petit bout de la lorgnette". Même s'il "s'était un peu laisser emporter par l'élan".

Le mec m'a, réellement et littéralement dit, quand je lui ai rappelé que jusqu'à plus ample informé, c'était lui qui n'était pas d'accord pour une relation amoureuse mais que ses gestes contredisaient ses paroles : "Ah, tu trouves que c'est à moi de faire gaffe ?"

J'ai quand même un certain talent pour dégotter des génies, je trouve. Filez moi une médaille, un trophée, un gros chèque, que cette qualité serve au moins à quelque chose dans ma vie.

Longtemps, je me suis demandé pourquoi j'avais mis si longtemps à ruer dans les brancards et à le planter là.

J'ai trouvé la réponse et elle est triste. Il se trouve qu'à part ce léger désaccord sur la nature de ce qui nous liait, ce type là, il m'a offert la meilleure vie de couple de ma vie adulte. On se voyait toutes les semaines ou presque, on faisait plein de choses ensemble, il était attentif, attentionné, généreux, on rigolait beaucoup, on s'apportait de la confiance, de la tendresse, du soutien. Le mec parfait à un détail près. Un gros détail, quand même.

Je ne sais pas ce qui bloquait dans sa tête. Ou dans son Sek. Au vu de ce que, factuellement, il m'a donné, dans cette histoire, je ne sais pas ce qu'il attendait de plus dans l'existence. Quelle qualité particulière faisait que c'était ok de passer autant de temps collé à une meuf tout en décrétant que non, non, non, pas de ça entre nous, merci. Longtemps j'ai pensé que c'était le désir, que je n'étais pas assez bien pour lui, merci la vie, j'en ai fini avec ces autoflagellations stériles. Du désir il y en avait, évidemment, des sentiments aussi. Mais d'histoire, point.

Je me souviens avec précision du moment où ça a basculé. On était à un concert de Divine Comedy, j'étais absorbée par Neil Hannon qui parlait d'amour, et ça m'a paru évident que soit il allait finalement se passer quelque chose et que j'allais me retrouver avec quelqu'un qui a de gros problèmes psychologiques, soit il ne se passait rien et que pour la survie de ma santé mentale, ça s'arrêtait maintenant.

Sek m'a répondu un peu indigné "mais ça n'est pas comme ça que ça fonctionne, ça n'est pas un interrupteur qu'on allume et qu'on éteint".

Mais va bien te faire cuire le cul, aurais je dû lui répondre. J'interrupte si je veux. (Et même : j'invente des mots pour le dire si j'en ai envie)

Je crois que j'aurais pu être plus classe sur la fin, mais franchement, le retour de bâton était soft par rapport à ce que j'ai vécu avec lui cette année là. Je ne présume pas de ce qu'il a ressenti de mon absence, je n'ai déjà pas réussi à comprendre ce qu'il avait dans la tête. Ca n'a pas dû être complètement agréable. Fallait y penser avant.

Mais putain que j'avais raison d'être en colère.

PS : le changement de pseudo et de blog fin 2011, c'était sa faute, voilà. C'est dit.